En effet, le
bénéfice de ces aides est assujetti à une domiciliation en France,
prouvée notamment par la carte d'identité. Or le renouvellement de ce
document pose problème.
"Jusque-là,
l'adresse de résidence de ces handicapés sous tutelle et curatelle
était celle du tuteur légal en France. Depuis vingt ans, il y avait une
latitude de la part de l'administration, qui y a mis fin récemment", explique Charles Ghesquière, président de l'Association d'aide aux personnes inadaptées mentales hors de France (APIM).
En octobre dernier, la préfecture du Nord a ainsi refusé le
renouvellement de dizaines de cartes d'identité: considérant que ces
handicapés vivaient en Belgique, elle a renvoyé leurs dossiers au
consul de France à Bruxelles. Une décision contre laquelle s'est élevé
le président de l'APIM. Selon les règles européennes, si les intéressés
sont reconnus comme résidents belges, ils perdent leurs droits dans
l'Hexagone. "Or,
c'est le déficit de structures adaptées en France qui oblige les
handicapés à se faire suivre en Belgique, financés par les départements
français. Ils n'ont pas le choix."
Alertée par l'APIM, la préfecture a relu les textes et estimé qu'elle
pouvait accorder aux handicapés sous tutelle leur domiciliation à
l'adresse du tuteur. Une fois cet écueil passé, un nouvel obstacle
s'est dressé sur leur tortueux chemin administratif. "Certaines personnes sont alitées et ne peuvent pas se déplacer pour donner leurs empreintes",
explique Edith Leduc, chef de service à l'Association tutélaire des
inadaptés du Nord, qui gère plus de 1000 handicapés mentaux français
placés outre-Quiévrain, sur les 3500 recensés. Et les agents de la
préfecture n'ont pas le droit de franchir la frontière...
"La préfecture applique la loi"
Là encore, une solution à l'arraché a été trouvée avec le consul de
France à Liège, qui accepte _alors qu'il n'y est pas tenu_ de se
déplacer dans les provinces de son ressort pour prélever les empreintes
digitales. "Je les ferai passer par valise diplomatique à la préfecture
du Nord", confirme Patrick Fers. Il en fait une question de principe: "Ce
n'est pas fair-play d'envoyer nos handicapés en Belgique, à notre
charge, et de dire, à un moment donné, que ces Français-là sont
résidents belges, et qu'ils doivent donc être financés par la Belgique."
Sollicité pour rendre le même service, le consul de France à Bruxelles,
qui gère notamment la région du Hainaut, n'a pas encore fait connaître
sa décision. Un silence qui inquiète les associations.
"Pendant ce temps, la situation de nos personnes n'est pas
régularisée. On est toujours en train de se battre car notre assise
légale est fragile, sur la base d'une circulaire", se désole Edith
Leduc. Un flou qui laisse de surcroît le sort des 180 handicapés
mentaux français sous curatelle placés en Belgique en suspens.
L'administration ne leur accorde pas la possibilité de se faire
domicilier en France. "La préfecture est gênée. Elle applique la loi mais elle attend que le ministère de l'Intérieur règle le problème par un texte",
assure Charles Ghesquière. Un dossier supplémentaire pour la députée du
Nord Cécile Gallez, qui doit rendre en juin un rapport sur
l'hébergement des handicapés français en Belgique au ministère de la
Solidarité.
(Les handicapés français herbergés en Belgique sont 3500.)
Par Maud PIERRON
leJDD.fr