Rachid Arhab : Je n'ai rien
demandé mais on m'a convaincu qu'il était temps de dire les choses et mon
expérience personnelle m'autorise à m'exprimer sur ce sujet. Et pas seulement
en tant que « minorité ethnique » d'ailleurs ! Je me suis un
jour cassé le col du fémur et j'ai du circuler quelques temps en fauteuil
roulant. Je n'ai jamais ressenti une telle humiliation : le regard des
autres, leur gêne, leur réticence, le fait de devoir me faire porter par les
pompiers de France 2 dans l'escalier. Alors être différent, je comprends. Je ne
cherche pas à être un symbole car on sait à quel point les symboles sont
inefficaces s'ils ne sont pas suivis d'actions. Je crois que bien d'autres
auraient pu prendre ma place mais c'est certainement ma sincérité et mon
engagement qui ont joué en ma faveur.
H : Pourquoi le CSA a-t-il décidé de mettre en
place cet observatoire ?
RA : Nous avons le sentiment
partagé que tout ce qui est différent apparaît peu à la télévision. Or, je souhaite
que notre télé ressemble à la
rue. Et quand je la regarde, je ne m'y retrouve pas. C'est
très bien de faire de beaux discours « politiquement corrects » mais
il y a un moment où il faut passer à l'action.
H : De quelle manière est-il possible de quantifier
les représentants de cette diversité et qui sont-ils (ethnies, âges,
mixité...) ?
RA : La liste des différences
visibles est bien longue : la couleur de peau, l'apparence,
l'appartenance. Une liste non exhaustive de tout ce qui est hors-norme. Je n'aime
pas le mot « minorité ». Je préfère celui de diversité, dans laquelle
s'inscrit, bien évidemment, le handicap. Nous devons faire en sorte de vivre au
mieux, ensemble, en acceptant de regarder les gens trop gros, « trop
noirs » ou handicapés.
Mais il ne faut pas se contenter de
ce qu'imposent les lois. Cette démarche d'acceptation est tout à fait
personnelle. La différence fait peur pour des tas de raison, a fortiori lorsqu'il
est question de handicap car elle nous renvoie à nos propres angoisses. Mais la
télé doit-elle dissimuler pour autant ? C'est probablement l'outil
pédagogique le plus influent, notamment sur les enfants, les ados. Elle normalise
les choses, elle pourrait donc être une alliée puissante pour tous ceux qui
sont pénalisés par la différence et accepter de refléter la société telle
qu'elle est.
H : Le handicap à la télé, c'est tabou ?
RA : La série « Plus belle
la vie » montrait un jeune en fauteuil roulant et l'audience n'a pas
baissé pour autant ! Alors pourquoi, lorsqu'un handicapé apparait, c'est
toujours dans un rôle d'handicapé, totalement stéréotypé. Ne pourrait-on pas
imaginer un chef d'entreprise ou un avocat qui camperait son rôle dans un
fauteuil roulant ? Mais on va y arriver. Le problème
est posé et nous sommes nombreux à y réfléchir mais il faut que toute la chaine
en soit consciente : du scénariste qui occulte les « minorités »
jusqu'au spectateur qui n'a pas forcément envie de regarder cette réalité. Mais
la télé est un média de répétition, alors avec le temps... Le CSA a d'ailleurs
pris les choses à bras le corps puisqu'en interne, il lance une formation
interne sur le thème de la diversité pour aider ses employés à aborder et
s'exprimer sur ce sujet.
H : Les employés handicapés sont-ils sous
représentés dans l'audiovisuel ?
RA : Oui, bien sûr, j'en
connais très peu et souvent en marge du petit écran : un standardiste
aveugle ou quelques agents. Il y a bien peu de chroniqueurs ou de journaliste
handicapés, peut-être trois ou quatre.
H : Que pensez-vous du principe de quota ?
RA : Ca n'a aucun sens et c'est
le paravent d'une grande hypocrisie. Ce sont les qualités personnelles qui
doivent décider de la place d'un individu. La solution est ailleurs :
banaliser, accepter, regarder... Il en va de la responsabilité de chacun de
nous.
Le handicap à la télé !
Rachid Arhab, journaliste bien connu des téléspectateurs de France 2 occupe désormais le poste de président ! Celui de l'Observatoire de la diversité audiovisuelle mis en place par le CSA. Sa mission : luter contre les discriminations à la tél
Handicap.fr : Pourquoi vous-a-t-on proposé de
prendre la présidence de cet observatoire ? Etes-vous le symbole d'une
« minorité ethnique » ?