Lire le début de l'interview:
http://informations.handicap.fr/art-editorial-1.2.0.0-2604.php
Handicap.fr : Dans un
récent entretien avec handica.fr, Jean-Paul Delevoye, médiateur de la république
déclarait : « Il y a évidemment un manque de moyens financiers. Il ne
faut rien promettre qui ne puisse être tenu. » Avec des mesures aussi
ambitieuses, ne risque-t-on pas, une fois encore, de faire naître la colère et
les désillusions ?
Valérie Létard : Nos mesures sont ambitieuses et les moyens financiers qui les accompagnent aussi. Vous me parlez d'un manque de moyens financiers ? Je pense qu'au contraire les moyens financiers mis sur la table par le Gouvernement et le Président de la République pour le handicap ne sont pas rien ! La politique du handicap en France ce sont 3 milliards d'euros supplémentaires pour les 5 millions de personnes handicapées et 1,4 milliard d'euros pour revaloriser l'Allocation Adulte Handicapé (AAH) et dont 1,5 milliards d'euros pour la création de 50 000 nouvelles places en établissement... Ces sommes viennent, bien sûr, s'ajouter aux sommes déjà allouées au handicap en France comme, je vous le rappelle, les 330 millions d'euros pour l'emploi des personnes handicapées, les 1,9 milliards d'euros pour les créations de places depuis la loi de 2005... Ainsi, au total l'effort de la Nation en faveur des personnes handicapées représente, en 2006, 34 milliards d'euros. Bref, moi je trouve que nous avons les moyens financiers de nos ambitions et encore une fois c'est mon rôle de m'assurer que toutes ces engagements ne soient pas des « effets d'annonce » mais des mesures vérifiables sur le terrain.
H : Monsieur Sarkozy promet 5% d'augmentation de l'AAH par an sur son mandat. Mais deux questions : y-aura-t-il un rattrapage sur l'année 2007 (soit 10% fin 2008) ? Et l'inflation étant cette année de 3%, cette augmentation reste malgré tout très minime...
VL : Le Président de la République s'était engagé à augmenter l'AAH de 25% d'ici la fin du quinquennat. Ce sera chose faite : le montant de l'AAH sera amené progressivement de 628 euros aujourd'hui à 776 euros en 2012, soit presque 150 euros de plus par mois et par personne en cinq ans à partir de 2007. C'est un effort sans précédent : au total, cette mesure mobilise la solidarité nationale à hauteur de plus 1,4 milliard d'euros. Elle va permettre un véritable rattrapage du pouvoir d'achat des personnes handicapées puisqu'elle va bien au-delà d'une revalorisation en fonction de l'inflation, contrairement à bien d'autres secteurs.
H : Dernière déclaration importante sur le cumul emploi-handicap avec de nouvelles dispositions pour encourager le travail des personnes handicapées ? Mais qu'en est-il de ceux, nombreux, qui n'auront jamais accès à l'emploi. Faut-il leur donner le SMIC, comme le souhaitent les associations ?
VL: Nous
avons pris tout à fait au sérieux la proposition faite par les associations de
créer un revenu d'existence. Avec elles, nous avons travaillé à préciser ce que
recouvrirait un tel revenu : une allocation différentielle, égale au SMIC brut, indépendante des
revenus du conjoint, soumise à l'impôt et à cotisation sociale. Nous avons
soumis ce scénario à l'expertise de nos statisticiens. Et les
premiers résultats sont à ce stade paradoxaux puisque, selon nos
estimations,
ce scénario ferait parmi les personnes handicapées, près de 40 % de
perdants, et pour une perte moyenne de 149euros par mois. Et les perdants seraient
encore plus nombreux dès que les personnes sont en couple ou ont des enfants à
charge. Nous restons prudents, mais c'est la raison pour
laquelle nous avons plutôt opté pour une réforme de l'AAH, qui permette à
la fois d'améliorer les ressources des personnes éloignées momentanément ou
durablement de l'emploi et de mieux accompagner vers l'emploi les personnes qui
y aspirent légitimement. Nous continuons cependant à
travailler avec les associations pour que toutes les données soient
sur la table de manière
transparente et contradictoire.
H : Et
enfin, quelles mesures seront réellement prises contre les entreprises
publiques qui ne respectent pas le quota d'intégration des travailleurs
handicapés. Seront-elles soumises réellement, elles aussi, aux sanctions
financières qui s'appliquent de droit ?
VL : Mais elles sont déjà soumises à ces sanctions ! C'est d'ailleurs une des avancées majeures de la loi du 11 février 2005, car jusque là seules les entreprises privées étaient soumises à une contribution lorsqu'elles ne respectaient pas leur obligation d'emploi. L'application de ce mécanisme aux employeurs publics a permis de collecter en 2007 plus de 150 millions d'euros, soit autant de moyens supplémentaires qui peuvent être mobilisés en faveur de l'emploi des personnes handicapées.
L'Etat a même voulu aller encore plus loin, car il est indispensable qu'en la matière, il soit exemplaire. Nous avons demandé, dès novembre dernier, à chaque ministère de mettre en place un plan pluriannuel de recrutement de travailleurs handicapés et décidé que les ministères qui ne tiendraient pas les objectifs de leur plan de recrutement verraient leur masse salariale gelée à hauteur du nombre de travailleurs handicapés manquants. Grâce à cette mobilisation exceptionnelle, les recrutements dans la fonction publique de l'Etat ont d'ores et déjà augmenté de 25 % cette année.