50 millions de ponction, émoi, émoi, émoi...

Le gouvernement vient d'annoncer une ponction de 50 millions d'euros sur le budget de l'Agefiph, chargée de collecter les fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Le point avec Tanguy du Chéné, son président.

• Par

Handicap.fr : Cette décision prise afin de résorber le déficit de la loi de Finances vous a-t-elle surprise ?
Tanguy du Chéné : Vous savez toute organisation bien gérée craint son autorité de tutelle, lorsque celle-ci a quelques difficultés pour boucler son budget. Nous vivons avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête. Ce n'est pas la première tentative de l'Etat. Si le gouvernement décide unilatéralement chaque fois qu'il en a besoin de ponctionner l'Agefiph de manière aussi importante, c'est toute la politique de programmation pluriannuelle du fonds qui se trouve compromise. L'incertitude est incompatible avec la programmation à moyen terme.

Handicap.fr
: Quelle est la vocation de  l'Agefiph ?
TDC : La loi prévoit une obligation légale de 6%. Les entreprises pour s'en exonérer peuvent embaucher ou maintenir dans leur emploi des personnes handicapées, passer un contrat de sous-traitance avec le secteur protégé, recourir à l'intérim ou verser, pour tout ou partie, une contribution à l'Agefiph. Notre paradoxe : plus nos actions sont efficaces et plus nos ressources diminuent. Notre mission sera accomplie le jour où toutes les entreprises auront atteint l'obligation de 6%.
Nos ressources servent, entre autre chose, à augmenter le niveau de formation des personnes handicapées (80% ont un niveau égal ou inférieur au Bep ou Cap) et non à combler un trou dans le budget de l'Etat.

Handicap.fr
: Mais comment justifiez-vous cette ponction de 50 millions d'euros ?
TDC : Ce prélèvement viendrait minorer la charge de rémunération des stagiaires handicapés à la charge de la solidarité nationale et relevant de la compétence de l'Etat. L'engagement avait été pris par l'Etat dans la convention signée en février. En parallèle et conformément à sa mission de développement de l'insertion dans les entreprises, l'Agefiph amplifiait son effort de qualification des demandeurs d'emploi handicapés. L'application unilatérale et sans concertation de cette ponction constitue un manquement grave de l'Etat au regard de ses engagements conventionnels et des objectifs légaux assignés à l'Agefiph.

Handicap.fr
: Mais on prétend que ces fonds étaient inutilisés ?
TDC : Bien sûr que non. Nous signons le 20 février une convention avec l'Etat dans laquelle il conforte la volonté de l'Agefiph d'engager sur 3 ans l'intégralité du surcroît de collecte consécutif à la loi du 11 février 2005 et qui, dès le mois de septembre, présuppose qu'elle n'aura pas la capacité de le faire. Alors que l'objectif de la première année est atteint.

Handicap.fr
: Quelles conséquences ce projet peut-il avoir ?
TDC : Il revient à nous retirer 10% du budget prévisionnel 2008-2010, et pourrait priver 28 000 personnes à mobilité réduite d'une formation qualifiante, sans créer un seul emploi ni donner lieu à une seule entrée en formation supplémentaire.

Handicap.f
r : Quelle a été la réaction de l'Agefiph ?
TDC : Nous avons poussé un vrai coup de colère contre l'Etat. Nous avons réuni notre conseil d'administration  et, c'était une première pour notre organisation, nous avons reçu l'unanimité des votes des collèges des employeurs, des associations et des salariés ainsi que des personnalités qualifiées. Une grande satisfaction pour un président ! Nous avons adressé une lettre ouverte au gouvernement ainsi qu'une demande d'entretien à Christine Lagarde, ministre l'Economie, de l'industrie et de l'emploi.  

Handicap.fr : Envisagez-vous d'autres moyens d'action si ce dialogue devait échouer ?
TDC : Il nous reste une issue : aller voir les parlementaires et les convaincre de ne pas voter cet article de la loi de finances. Un certain nombre sont réceptifs, en priorité les parlementaires sociaux mais peut-être aurons nous un peu plus de mal avec leurs confrères budgétaires. Mais une chose est sûre : nous n'en resterons pas là ! Cela fait mal, et nous trouvons inacceptable que lorsque les conditions économiques deviennent plus dures, on fragilise les plus faibles.

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste à handicap.fr

Partager sur :
  • LinkedIn
  • Twitter
  • Facebook
Commentaires6 Réagissez à cet article

Thèmes :

 
6 commentaires

Rappel :

  • Merci de bien vouloir éviter les messages diffamatoires, insultants, tendancieux...
  • Pour les questions personnelles générales, prenez contact avec nos assistants
  • Avant d'être affiché, votre message devra être validé via un mail que vous recevrez.