La boxe, c'est ma thérapie !

Abel Aber est un sportif à part entière. Et pourtant, il lui manque une part de lui-même : sa jambe droite. Il a trouvé dans la pratique de la boxe thaï un exutoire salutaire. Portrait d'un champion qui encaisse...

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A 17 ans, Abel roule en scooter et percute une voiture. La faute à la jeunesse, la faute à l'insouciance... Selon la formule consacrée, « les médecins ont tout tenté » pour sauver sa jambe droite mais, à cause d'un début de gangrène, il a fallu l'amputer. Lorsqu'il se réveille, on lui apprend la terrible nouvelle. Mais il « fait style » : « OK, j'ai une jambe en moins mais la vie continue. J'ai bien l'intention de continuer à vivre comme avant, en mode sortie, en mode soirées et surtout en mode sport... J'ai commencé la boxe thaï. Je voulais devenir militaire et intégrer un commando, c'est fini mais, pour le reste, j'ai vraiment besoin de me défouler. »

10 000 km en quad

On commence à lui parler appareillage mais le jeune homme a du tempérament. « A l'époque, je n'étais pas assez réceptif. J'étais impulsif et j'ai tout envoyé balader. Pour moi, être appareillé, c'était accepter d'être handicapé. Et cette idée me faisait mal. » Béquilles et quad seront donc ce qu'il appelle ses « partenaires ». 10 000 km en six mois avec cet engin devenu sa deuxième jambe qu'il emprunte en toutes circonstances, même pour faire dix mètres. « Le problème, c'est que, pour continuer le sport, j'avais besoin de tenir debout. » Abel attend deux ans et demi avant de se laisser convaincre par un prothésiste de Nancy, bon pédagogue qui l'aide à accepter son appareillage.

Retour à la salle de boxe

Il repart sur deux jambes, réapprend l'équilibre. Dans son garage, il installe un sac de boxe dans lequel il cogne sans relâche. Seul ! Pour le moment, pas question de se montrer. Jusqu'au jour où il décide de retourner à sa salle d'entrainement. « Je me suis senti comme un extraterrestre. Mais çà a été un véritable exutoire. En tapant, j'ai pu faire voler les barrières psychologiques et développer un autre niveau de pensée et surtout un autre regard sur moi-même. Je n'avais plus peur de prendre ma douche sur une jambe, au milieu de mes compagnons, tous valides. » Il s'entraine cinq fois par semaine, pendant deux heures. Un corps d'athlète qui lui permet de « coucher » des adversaires de son poids. Un poids réévalué pour rester équitable : 75 kilos + les 15 de sa jambe manquante ! Pour le moment, il doit se contenter d'une licence en loisirs qui ne lui permet pas de mener des combats et il ambitionne une licence de compétition en handiboxe qui lui permettrait de défier les valides.

Une prothèse à 15 000 €

Pour pratiquer le sport de façon intensive, le jeune homme a besoin d'une autre prothèse. Dans l'absolu, il en faudrait une pour chaque usage : sauter, courir... Celle pour boxer lui suffirait. Pas moins de 15 000 euros. Les questions d'assurance et de justice s'en mêlent. Lors de l'accident, les torts sont partagés. Abel fait confiance à l'avocat de son assureur. Erreur ! « J'en profite pour dire que dans ce genre de cas, il ne faut pas se fier aux assureurs et prendre un avocat indépendant qui sera rémunéré sur les indemnités perçues. » Six ans de procédure toujours vaine. Pas de prise en charge ! Il faut attendre le résultat d'une nouvelle action en justice ou de fastidieux dossiers de financement. Alors, pour le moment, il doit se contenter de sa prothèse quotidienne. Une compagne à 22 000 euros, remboursée par la Sécu, renouvelée tous les cinq ans ! « C'est vrai que je pourrai être nettement plus performant avec un appareillage plus adapté, mais, pour le moment, je m'en sors plutôt bien, avec beaucoup de travail. Et dans cinq ans, je serai un chat ! »

Educateur sportif, son nouveau combat

Abel a une autre piste. Il veut sa prothèse sportive ! Alors il monte un dossier Aghefip pour prise en charge d'un « outil de travail ». Il prépare en effet son intégration à une formation de BP JEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport). Avec une petite remise à niveau scolaire et beaucoup de hargne, il ne doute pas de ses chances. « Je commence déjà à me renseigner auprès de la mairie d'Epinal, pour voir quels sont les débouchés. Il est vrai que j'entame cette formation davantage pour mon développement personnel. A moi, ensuite, de faire mes preuves et de convaincre. Ce n'est pas gagné car je ne suis pas certain que les institutions soient réellement prêtes à nous accueillir. On fait de belles pubs pour la télé (ex celle de l'Agefhip) mais l'envers du décor est loin d'être aussi rose. Qu'à cela ne tienne, j'ai la réputation d'être quelqu'un d'ultra combatif. Le sport, c'est ma thérapie. Et le jour où j'arriverai à coucher des valides, comment pourra-t-on encore prétendre que je suis handicapé ? ».

En attendant, Abel en appelle à toutes les bonnes volontés pour partager son combat, en promettant de ne pas les mettre KO !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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