Au royaume des images, les sourds sont rois

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BERGEN (Norvège),  (AFP) -
En bordure d'une rue encombrée et bruyante près du port de Bergen (ouest), la salle de montage d'Asvo est un havre de silence où s'activent, sans effervescence, trois sourds et malentendants.
"C'est à moi de trouver où commencer et où terminer les épisodes", explique Gunnar Fauskanger, un ancien mécanicien qui a perdu l'ouïe en 1982 à cause du brouhaha de 15.000 spectateurs lors d'un match de l'équipe de foot locale.
"Je dois trouver l'endroit le plus passionnant", dit-il en présentant le studio de montage, son "bébé" comme il dit.
Grâce à un mur déroutant d'équipements, d'écrans, de boutons et de fils, le cinquantenaire expurge les programmes de leurs pauses publicitaires et les formate, avant que ses collègues se chargent de leur duplication sur DVD.
"Pour découper un film en deux épisodes, il faut déterminer un intervalle d'une à deux minutes au milieu du film en question: là, je lis sur les lèvres ce qui s'y dit et je fais en sorte de ne pas faire la coupure au beau milieu d'un dialogue", précise Gunnar Fauskanger.
"Dans la plupart des cas, il y a aussi de la musique et des effets sonores que je dois progressivement diminuer. Avec un oeil avisé, j'arrive à distinguer dialogues, musique et effets sonores sur un audioscope", dit-il.
Pièce centrale du dispositif, l'audioscope, un petit écran d'apparence banale, permet aux monteurs de "lire" les sons sous forme de graphiques.
La série "Le Prisonnier" et des programmes tels qu'"America's got talent"
et "American Idol" sont ainsi passés entre les griffes de Gunnar avant d'être diffusés à la télévision norvégienne.
"Ils ne pourraient pas se fondre dans un environnement professionnel normal", explique Nina Hurtley, la directrice d'Asvo, en évoquant ses personnels sourds et malentendants.
"Ici, ils peuvent travailler à temps partiel ou en faisant de nombreuses pauses dans un milieu où le langage des signes est le mode de communication officiel. On fait tout ce qu'on peut pour nous adapter à leurs besoins", dit-elle.
Société à but non lucratif fondée en 1994, Asvo vise à aider les personnes atteintes d'un handicap auditif en leur offrant un emploi ou en les aidant à s'insérer dans la vie professionnelle.
Outre le montage de programmes TV --vitrine du groupe--, ses quelque 60 salariés, dont un tiers de sourds et de malentendants, sont employés dans le conditionnement et la livraison de paniers de fruits, et dans la boulangerie.
"Les sourds aussi font un bon boulot. Nous aurions mis la clé sous la porte si ce n'était pas le cas. Mais le fait est que nous brassons beaucoup d'argent", assure Nina Hurtley.
Sans faire de bruit, la société réalise un chiffre d'affaires de 22 millions de couronnes par an.

Par Pierre-Henry DESHAYES

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