Handicap.fr : Votre parcours scolaire a-t-il été pénalisé par votre handicap (l'absence d'avant-bras) ?
Grégory Cuilleron : Pas le moins du monde. J'étais dans des écoles « normales », avec des professeurs « normaux » et des amis « normaux ». Je n'ai jamais bénéficié de dispense, même en sport, et çà n'a pas eu d'incidence sur mes relations avec les autres.
H : Souhaitiez-vous faire de la cuisine votre métier ?
GC : Pas vraiment. Après le bac, j'ai fait un Deug de droit, puis un BTS action commerciale puis je suis parti six mois en stage aux Etats-Unis...
H : Et là bas, justement, comment était perçu votre handicap ?
GC : Vous savez, dans ce pays, le mythe du self made man est bien réel. Tout le monde a sa chance, sans restriction. Le seul problème que j'ai rencontré, au Texas, c'est que j'étais Français à l'époque où notre gouvernement refusait d'envoyer des forces armées en Irak. C'était là mon plus gros handicap !
H : Revenons donc à votre passion pour la cuisine, comment est-elle née ?
GC : J'ai toujours adoré mettre la main à la pâte et c'est une passion qui m'a suivi en filigrane. Mais j'ai vraiment commencé à m'y consacrer pleinement vers 18 ans. Je préparais des repas élaborés pour les potes.
H : Comment palier-vous le fait que vous n'ayez pas d'avant-bras lorsque vous êtes derrière les fourneaux ?
GC : Je n'ai rien à palier puisque je suis né comme ça. Ce n'est pas comme les gens qui deviennent handicapés au cours de leur vie et doivent se réadapter. Avoir un « bout en moins », c'est ma norme, mon quotidien depuis toujours. Ce n'est donc pas une contrainte.
H : Vous n'avez donc jamais été appareillé ?
GC : Si, jusqu'à l'âge de sept ans, mais c'était une prothèse qui n'avait qu'une vocation esthétique et qui m'encombrait plus qu'autre chose. Alors je m'en suis débarrassé.
H : Comment avez-vous été contacté pour le casting du « Dîner presque parfait » ?
GC : Il y a deux ans, je travaillais comme chargé de communication pour un restaurant gastronomique car après mon BTS j'avais fait une licence en communication. Je voulais me rapprocher des cuisines mais sans pour autant mêler travail et passion. Ce poste était un bon compromis. M6 contactait les restaus pour trouver des candidats, cuisiniers amateurs. Je n'ai pas hésité à me présenter, surtout lorsqu'on m'a dit que, lors de la finale, il faudrait cuisiner pour des grands chefs.
H : Les responsables du casting ont-ils été surpris par votre handicap ?
GC : Non parce que je les avais prévenus. Mais franchement, ça n'a eu aucune incidence. Nous n'en avons même jamais parlé, sans que ce ne soit tabou pour autant. Pas plus qu'avec les chefs d'ailleurs qui n'ont pourtant pas l'habitude de travailler avec des personnes handicapées. Le seul que je connais est un pâtissier sans bras, qui a malheureusement du arrêter à cause de problème de dos. Peut-être les personnes handicapées n'osent-elles pas, faute de confiance en elles ou parce que le métier est trop contraignant.
H : Y-a-t-il pour vous un symbole dans votre victoire ?
GC : Absolument pas ! Je ne me considère pas comme handicapé. Je suis satisfait du symbole que ça peut représenter pour des gens qui en auraient besoin, mais pour moi ce n'est pas une revanche sur la vie. Je ne cherchais pas à montrer qu'un handicapé peut battre quelqu'un de valide.
H : Vous avez remporté 10.000 euros. Qu'allez-vous faire de cet argent ?
GC : Je vais en garder une partie et, avec le reste, je vais faire la tournée des chefs du jury ! J'ai bien envie de goûter leur cuisine. Et c'est maintenant à moi de leur donner des notes ! Georges Blanc, un chef lyonnais, m'a également confié l'élaboration du menu de sa brasserie les vendredis. J'ai aussi un projet d'émission culinaire avec M6. Et puis j'aimerais surtout monter un petit bistro-épicerie à Lyon. Je profite du battage médiatique pour le faire savoir et préparer la clientèle.
H : Mais vous disiez ne pas vouloir faire de la cuisine votre métier !
GC : En effet, ce qui m'excite c'est surtout d'inventer les recettes. Je ne vais pas passer ma vie aux fourneaux car je suis bien trop sociable pour rester dans ma cuisine. J'y officierai en quelque sorte comme directeur artistique.
Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco
Grégory Cuilleron, vainqueur d'un diner presque parfait sur M6 et fondateur de l'agence Pas COM les Autres, a choisi d'etre le parrain des F' d'or organisé par Opcalia Rhône-Alpes.
Pour assister à la remise des Trophées F d'OR 2009 et participer au cocktail
Le jeudi 19 novembre de 17H à 19H à la Région Rhône-Alpes :
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