Elle apparait en rose et gris, belle, très belle, ultra féminine... Claudie Haigneré est connue de tous comme la première femme française à avoir voyagé dans l'espace. C'était en 1996 (puis en 2001) à bord du vol à destination de la station orbitale russe Mir. Elle y effectue de nombreuses expériences médico-physiologiques, techniques et biologiques.
Repousser ses limites
En termes de défi, Claudie s'y entend. Alors, certes, elle est ultra diplômée et abondamment décorée (Légion d'honneur, Ordre national du mérite...), et surtout pas handicapée, mais, dans ce colloque consacré à la thématique « Femmes, travail et handicap », son témoignage a valeur d'exemple. Elle scande avec détermination : « Il faut avoir le courage de repousser ses limites, de prendre des risques, de changer de territoires et de carrière. » Dans l'espace, elle ne sent plus son corps, léger, libre... « J'étais dans un univers différent et j'ai découvert de nouvelles capacités. C'est à méditer pour les autres car le message que je veux utiliser ici, c'est que la capacité de notre cerveau et de notre corps à s'adapter est étonnante ».
On se construit avec les autres
Qui mieux que cette femme a prouvé que l'on pouvait aller jusqu'au bout de ses rêves les plus fous ? Elle ne donne pas de leçon à toutes ces femmes présentes, pour certaines plongées dans la douleur, la frustration et la colère et qui ne connaîtront jamais l'état d'apesanteur, mais elle encourage. « Vous savez, j'en ai poussé des portes et j'ai eu la chance d'avoir suffisamment de bagages dans mon sac à dos pour avoir confiance. Mais ce n'est pas tout, j'ai aussi eu la chance d'avoir une famille et un mari qui m'ont soutenue. On se construit avec les autres et c'est aussi ce que les femmes présentes à ce forum défendent aujourd'hui. »
La différence est une richesse
Claudie Haigneré est, depuis mars 2009, présidente de la Cité des sciences et de l'Industrie de Paris et affirme que c'est une chance pour elle : « Je vais pouvoir donner à chacun l'envie d'un futur et de progrès. Je me suis rendue compte que c'était le seul musée en France à avoir reçu une habilitation pour les quatre types de handicap. » Egalement en charge du Palais de la Découverte à Paris, elle regrette, à l'inverse, que ce vieux patrimoine historique ne dispose même pas d'un ascenseur ou de plans inclinés. Elle souhaite donner à tous la chance de s'émerveiller, notamment par le biais de la science. Elle cite la prose de Proust qui écrit : « Le seul véritable voyage n'est pas d'aller vers d'autres paysages mais d'avoir d'autres yeux. » Je souhaiterais qu'on soit dans le dialogue, dans la coéducation. Pour que la différence devienne une richesse, il faut être capable de l'intégrer à notre réflexion. »
Un « homme augmenté »
Elle prétend que le XXIème siècle sera, dans le domaine de la recherche et des sciences, celui de profondes mutations « et j'espère aussi un changement dans l'enrichissement par la diversité. Nous rentrons dans une civilisation du vivant qui risque d'être très difficile. Il était une époque où le rôle du médecin était de réparer mais aujourd'hui l'objectif est celui d'un « homme augmenté » parce que nous avons désormais la capacité de lui donner des compétences supérieures. Mais quelle est notre responsabilité de citoyen dans ces progrès ? » Et d'ajouter : « Une responsabilité éthique dans laquelle chacun doit apporter sa compréhension. »
Des femmes formidables
Comment accompagner chacun sur sa trajectoire, que dire à ces jeunes filles qui veulent se lancer dans des carrières scientifiques mais qui finissent par abandonner pour se consacrer à leur vie de famille. Il faut, dans le milieu du travail, pouvoir se sentir bien, et les femmes n'en ont pas toujours la possibilité. Alors que proposer aux femmes en situation de handicap ? « Il y a dans tous les domaines des femmes formidables qui doivent être reconnues. Mais aujourd'hui les choses ne sont pas encore au point. Alors nous avons besoin d'actions volontaristes et il faut que certaines femmes acceptent de prendre des responsabilités pour le compte des autres. » Elle regarde Maudy Piot, elle-même malvoyante, présidente de l'association « Femmes pour le dire, femmes pour agir » qui organise ce colloque et lui déclare « C'est pourquoi j'ai une très grande confiance en vous et en votre action ! »
Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco