Handicap.fr : Vous venez de faire paraître une information sur 4 grands domaines relatifs au handicap : les MDPH, l'intégration scolaire, l'accès à l'emploi et le déficit des structures d'accueil. Quelles sont vos sources ?
Jean-Paul Delevoye : Nous avons évidemment plusieurs points de contacts avec le terrain, à commencer par nos 300 délégués. Mais nous sommes également en lien avec les réseaux d'élus locaux, les juges, les associations, les ONG. Nous avons également créé des points d'accès directs à la médiature qui permettent de poser des questions, sans obligatoirement déposer une saisine, et donc de mieux appréhender les grands courants de frictions qui émergent chez nos concitoyens. Et puis, il y a un phénomène nouveau, le courriel, qui permet de recevoir les infos en temps réel et de percevoir de manière objective le climat général.
H : Sur le nombre de dossiers traités en 2009, combien concernent le handicap ?
JPD : Sur 76 000 dossiers, voici ceux directement liés aux questions de handicap : 100 dossiers traités par le siège, 1100 réclamations sur le terrain et 800 demandes d'informations. Il faut savoir que la moitié des dossiers, tous thèmes confondus, concernent des demandes d'informations.
H : Cette part est assez infime...
JPD : Il existe des instances médiatrices au sein des MDPH qui permettent souvent de régler les litiges, mais il est vrai qu'il y a aussi une méconnaissance de l'existence des services de la médiature, malgré une montée en puissance ces derniers temps.
H : Les personnes handicapées ont-elles tendance à revendiquer ?
JPD : Ni plus ni moins que les autres. Mais, par exemple, elles ne comprennent pas, après avoir reçu un avis favorable à leur demande, pourquoi elles n'obtiennent pas l'aide accordée faute de budget. Ce qui est bien légitime ! On retrouve notamment ce genre d'incohérence dans l'attribution des AVS. Nous sommes intervenus auprès du ministre de l'Education nationale pour tenter de trouver une solution à la précarité de ce système.
H : A ce propos, l'intégration des enfants handicapés à l'école est l'une des questions que vous abordez assez fréquemment. Quel est votre bilan ?
JPD : Dans ce domaine, nous vivons un moment compliqué, qui va bien au-delà des questions financières. Certains de nos concitoyens sont contre cette idée. J'ai vu des parents mener une bataille pour empêcher l'intégration d'un élève handicapé. Nous devons réfléchir à ne pas continuer à catégoriser. Le handicap est un facteur d'enrichissement. Nous devons construire une société inclusive et non exclusive. C'est un vrai défi car notre société est en train de se replier sur l'égoïsme, en privilégiant le confort personnel. Or nous avons tous besoin de retrouver des solidarités de proximité.
H : Quel est le type de plaintes, hors champ du handicap, le plus fréquemment traités par vos services ?
JPD : Un tiers concerne le domaine social : sécurité sociale, chômage, indemnisations versées par les employeurs. Mais nous traitons aussi des dossiers liés au surendettement, et même l'aspect contravention. Pas pour faire sauter les amendes, évidemment ! Mais, par exemple, dans le cas d'usurpation de plaques d'immatriculation. Dans ce domaine, le champ du handicap n'est pas épargné puisqu'on assiste à un phénomène nouveau : la fraude à la carte de stationnement CIG !
H : Lorsque les litiges concernent les questions de handicap, quels sont les motifs de plainte les plus récurrents ?
JPD : L'ouverture des droits à l'AAH, les prestations compensatoires, les allocations d'éducation pour enfants handicapés, les problèmes de placement, la reconnaissance du statut de travailleur handicapé et l'intégration scolaire.
H : Arbitrez-vous parfois des litiges dans lesquels les demandes des citoyens handicapés vous paraissent excessives ou infondée ?
JPD : Disons plutôt que nous percevons un phénomène assez général : davantage de tensions douloureuses dans les dossiers traités et une augmentation évidente de la précarité. Nos citoyens ne se montrent pas plus vindicatifs mais ils ont de plus en plus de mal à supporter les incohérences du système et l'injustice. Nous recevons de plus en plus de courriers qui ont davantage pour but de révéler une immense souffrance que de dénoncer un dysfonctionnement. Nos équipes mettent un point d'honneur à répondre à chacun d'entre eux.
H : Depuis la promulgation de la loi de 2005, les personnes handicapées se sentent-elles mieux accompagnées ?
JPD : Il est certain que la création des MDPH, après une mise en place délicate, a permis d'améliorer la durée de traitement des dossiers qui est passée en moyenne de 12 à 4 mois. Mais il reste toujours des motifs de plaintes, notamment sur le taux d'invalidité, les délais de prise en charge trop longs des Tribunaux du contentieux de l'incapacité, la clarification des relations entre employeurs et employés.
H : Dernière question qui fait naître les craintes et les polémiques : croyez-vous, comme le préconise la loi, que l'accessibilité de tous les lieux publics sera effective en 2015 ?
JPD : C'est un vrai sujet ! Mais honnêtement, je ne crois pas au respect de cette échéance et j'ai peur que les choses ne bougent qu'à la faveur de sanctions financières !