Personne handicapée intellectuelle : le droit à la parole !

' Nous aussi ' est la première association de personnes handicapées intellectuelles dirigée par les personnes concernées. Des citoyens du silence qui osent prendre la parole et défendre leurs intérêts. Conversation avec Cédric Mametz, son prési

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Handicap.fr : Depuis quand « Nous aussi » existe-t-elle, et qu'est ce qui a motivé sa création ?
Cédric Mametz : L'association est née en 2001, et j'en suis président depuis 2006. C'est l'Association française des personnes handicapées intellectuelles. Nous sommes leur porte-parole, quel que soit leur degré de difficulté, pour qu'elles ne soient pas exclues des décisions qui les concernent et reconnues comme citoyens à part entière. Et si nous représentons d'abord les personnes handicapées intellectuelles telles que les polyhandicapés, autistes ou encore trisomiques, nous sommes évidemment solidaires de toutes les autres formes de handicap. Nous comptons 250 adhérents et, pour le moment, 15 délégations locales. D'autres vont bientôt voir le jour.

H : C'est la première fois, en France, qu'une association dirigée par des membres en situation de handicap intellectuel voit le jour ?
CM : Oui, c'est la seule en France.

H : Comment les associations de parents et amis de personnes handicapées mentales ont-elles accueilli sa création ?
CM : En toute franchise, au début, ça n'a pas été facile. Les associations parentales avaient le sentiment de tout faire pour défendre nos droits et ne comprenaient pas notre désir d'autoreprésentation. Je ne suis évidemment pas là pour leur taper dessus. Nous avons besoin de leur soutien et de leur accompagnement. Elles ne seront jamais concurrentes. Ce sont nos partenaires. C'est grâce à la détermination, l'ambition et l'engagement qu'elles nous ont transmis que nous sommes aujourd'hui capables de prendre la parole et de dire ce que nous attendons de la société.

H : La France est encore un peu frileuse dans ce domaine, alors que de telles associations existent dans d'autres pays...
CM : Oui, en effet. C'est d'ailleurs à l'occasion du projet européen « Strong together », auquel nous avons participé en 1999, que l'idée de notre association a germé. Pendant deux ans, nous sommes allés à la rencontre de nos confrères des pays du Nord (Ecosse, Finlande, Danemark, Grande-Bretagne...) qui sont bien mieux reconnus par la société et leurs gouvernements. A l'occasion des Journées internationales du Croisic, en 2001, nous avons tous ensemble évoqué le droit aux loisirs, au travail, à la vie affective et à la sexualité. Deux jours plus tard, « Nous aussi » voyait le jour !

H : Vous militez, notamment, pour la généralisation du S3A, de quoi s'agit-il ?
CM : S3A signifie : « Accueil, accessibilité, accompagnement ». C'est un symbole créé en 1998 par l'Unapei, au même titre que le pictogramme avec un fauteuil roulant pour les personnes à mobilité réduite. Nous demandons qu'il soit apposé dans tous les sites qui font des efforts en matière d'accueil des personnes handicapées intellectuelles.

H : L'accessibilité pour une personne en fauteuil, on visualise assez bien, mais qu'est-ce que cela implique pour une personne déficiente intellectuelle ?
CM : Avoir des points de repères, des pictogrammes, un langage simplifié... Nous sommes associés au projet européen « Pathways » (méthode du facile à lire et à comprendre), défendu par huit pays, qui prévoit des messages simplifiés, notamment dans tous les documents administratifs : phrases courtes, mots simples, vidéos ou bandes sonores... Mais l'accessibilité, c'est surtout le facteur humain : avoir des gens qui sont là pour nous expliquer, avec patience et simplicité.

H : La prise en compte de vos besoins est encore timide. Cela vous met-il en colère ?
CM : Il y a évidemment beaucoup à faire, en dépit de réelles améliorations. Mais le frein majeur, c'est certainement la méconnaissance du handicap intellectuel. Ce qui m'agace, voire qui me révolte, c'est que nous ne sommes pas perçus comme des personnes à part entière. Nous faisons l'objet de discriminations, de moqueries, d'impatience.

H : Et dans le domaine de l'emploi, malgré les quotas imposés aux entreprises, l'espoir, pour les travailleurs handicapés mentaux, d'accéder au milieu ordinaire, semble très limité et circonscrit aux seuls ateliers protégés ou ESAT ?
CM : Les employeurs se montrent encore très prudents. Mais, si je me suis présenté à la présidence de « Nous aussi », c'est pour les convaincre que nous avons une place dans tous les domaines de la vie, y compris dans le travail. Alors évidemment, dans certaines entreprises, motivées par la productivité, il y a des rythmes que certains ne peuvent pas tenir. Nous sommes pourtant en mesure de bien travailler mais cela suppose quelques adaptations : un cadre aménagé, un peu d'accompagnement et un environnement rassurant.

H : Quel emploi occupez-vous ?
CM : Je travaille dans la métallurgie, en ESAT. J'ai un CAP d'horticulture mais, après avoir intégré un atelier protégé en secteur espace vert, j'ai du me réorienter à cause de problèmes de dos.

H : Peut-être auriez-vous aimé faire un autre métier ?
CM : Oui, je voulais être pompier. Mais je crois que ce n'est pas pour nous. J'aime être au contact des gens, rendre service. Par dessus tout, j'aimerais sauver des vies !
CM : Je peux ajouter quelque chose ? Nous cherchons des fonds, des adhérents et des soutiens pour continuer à faire vivre « Nous aussi », et notamment mettre à jour notre site Internet, pour le moment en construction ! Mail : nous-aussi@unapei.org

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco

 

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