Conducteurs handicapés : quelles lois, quelles contraintes ?

Reconduire avec les séquelles d'un accident ou passer son permis lorsqu'on est handicapé ? C'est possible ! Compliqué, parfois long, mais indispensable pour accéder à la vraie mobilité. Leçon à l'intention des futurs conducteurs...

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2000 permis adaptés par an en France ! Mais ce chiffre est à comparer aux 150 000 AVC (Accident vasculaire cérébral), aux 50 000 personnes atteintes de sclérose en plaques, aux 50 000 polios... Et la liste est encore longue. Autant dire une goutte d'eau dans l'océan du handicap moteur. Selon le docteur Dominique Pailler, médecin de médecine physique et de réadaptation au sein de l'UMPR Paris Est Fondation Sainte Marie, qui s'occupe, entre autres, de l'accès à la conduite pour les personnes handicapées, « pour bien faire, tous les patients devraient être accompagnés par des professionnels ayant une bonne connaissance du handicap, notamment dans le cadre des centres de rééducation. Or 70 % des AVC, par exemple, ne sont pas rééduqués ! »

Des formations défaillantes


Le manque de formation des médecins de ville sur la question du handicap et le peu de professionnels du secteur paramédical libéraux limitent la divulgation de l'information sur les possibilités pour les patients en situation de handicap d'accéder à la conduite. Question sur laquelle le corps médical n'a d'ailleurs, d'une manière générale, aucune formation ni compétence ! Les seules informations fiables et pertinentes sont diffusées par les associations de personnes handicapées, les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées), quelques centres de rééducation fonctionnelle qui proposent un service d'évaluation des aptitudes à la conduite ou les équipementiers qui installent des aménagements spécifiques sur les véhicules.

Le CEREMH, incontournable !


Il ne faut pas oublier pour autant une source qui a fait ses preuves en la matière. Il s'agit du CEREMH (Centre de ressources et d'innovation mobilité handicap), une association créée en 2007, retenue comme Centre d'expertise national sur la thématique de la mobilité par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie). Il a pour vocation de contribuer au développement de solutions innovantes en faveur de la mobilité des personnes en situation de handicap dans l'espace public. C'est donc tout logiquement que le CEREMH a investi le champ de la conduite automobile, vecteur, plus que tout autre, de mobilité, et gage d'autonomie.

Régularisation obligatoire


Après un accident, le conducteur en situation de handicap moteur doit obligatoirement demander la régularisation de son permis auprès de la Commission médicale de préfecture de son département. Il en va de même pour le permis moto. En effet, en cas d'accident, et si le conducteur ne possède pas un permis en conformité avec la législation, sa responsabilité pénale est engagée. Ceux qui ne l'ont pas encore passé au moment du constat du handicap doivent remplir un dossier auprès de cette même commission, avant de se soumettre aux épreuves pratiques selon les modalités habituelles (code + conduite, avec quelques aménagements de l'examen possibles comme la présence d'un interprète en langue des signes, l'octroi de temps supplémentaire...). Suite à cette visite, dans les deux cas, la commission remet au demandeur un certificat d'aptitude définitif ou temporaire en fonction des atteintes et des lésions. En cas d'avis négatif, le candidat peut demander un recours auprès la commission départementale, et une fois encore auprès d'une commission nationale. Si le handicap est stable et permanent, l'aptitude à la conduite doit être donnée à titre définitif.

Le parcours idéal


Dans une configuration idéale, voici donc les grandes étapes du parcours de régularisation : le conducteur se rend, selon les départements, soit au cabinet d'un médecin de ville agréé par le préfet, soit devant la commission médicale du permis de conduire en préfecture, se soumet à un bilan neuropsychologique, bénéficie d'un accompagnement administratif et financier, acquiert un véhicule adapté, le soumet à un inspecteur technicien de la sécurité routière qui vérifie la conformité de certains aménagements (par exemple le système de freinage) par rapport à son handicap, prévient son assureur sur la valeur des adaptations apportées pour être correctement couvert en cas de sinistre, trouve un moniteur expérimenté pour l'aider à reprendre le volant et, enfin, même s'il n'a pas à repasser son code, se soumet à une épreuve pratique permettant d'évaluer l'adéquation entre la pathologie et d'éventuels aménagements.

Une réalité plus galère !


Or la réalité a un tout autre visage. Au sein des Commissions préfectorales, les médecins affichent le plus souvent une méconnaissance totale du handicap et s'appuient, pour établir leur diagnostic, sur « L'arrêté du 21 décembre 2005 », une longue liste de 16 pages de toutes les pathologies, avec les recommandations ou interdictions préconisées pour chaque cas, les consultations sont expéditives (guère plus de 20 minutes) qui ne permettent pas de proposer des solutions fiables, et on déplore trop souvent le non respect du principe de gratuité. Quant aux inspecteurs censés vérifier la correcte utilisation des équipements installés sur les véhicules, leur formation « handicap » dure à peine trente minutes. Dans les auto-écoles, même si les véhicules à boite automatique sont aujourd'hui répandus, bien peu disposent de véhicules aménagés et de moniteurs formés aux particularités du handicap. Certains élèves sont donc contraints d'acheter leur propre véhicule et de l'équiper avant même d'avoir passé le permis, sans aucune garantie de repartir avec le précieux sésame rose ! Et lorsqu'on connaît le prix des aménagements, il va sans dire qu'il est impossible pour la plupart des postulants de franchir ce pas !

C'était tout l'enjeu de la Conférence Automobile et handicap qui s'est tenue en septembre 2011 à Paris : initier un échange entre l'ensemble des parties prenantes afin de proposer des évolutions réglementaires et organisationnelles en vue de favoriser l'accès à la conduite automobile pour les personnes en situation de handicap, et notamment contribuer à la mise en place d'un réseau national pour leur évaluation et leur formation. Et enfin harmoniser et simplifier au niveau national les démarches pour l'homologation des véhicules. De l'avis des intéressés, la route sera longue...

Plus d'infos:

http://www.ceremh.org

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