Interview de Philippe Pozzo di Borgo, héros d'Intouchable

Les "richesses de la paralysie", selon l'inspirateur du film "Intouchables"

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Par Henri MAMARBACHI

ESSAOUIRA (Maroc), 20 déc 2011 (AFP) - Le handicap peut-il être une ouverture vers le monde et les autres ? un élan plutôt qu'un repli sur soi ? Un avantage plus qu'un inconvénient ? Oui. La réponse, paradoxale, ne fait pas l'ombre d'un doute pour Philippe Pozzo di Borgo dont le livre a inspiré "Intouchables", grand succès actuel du box-office français.
"Si je doute ou je regrette le passé, je suis mort", assure à l'AFP l'auteur, tétraplégique, du livre "Le second souffle" qui vient d'être réédité avec une nouvelle préface après le triomphe du film, où François Cluzet joue son rôle.

L'homme en fauteuil roulant s'est effectivement installé dans une nouvelle vie, entouré de sa jeune épouse marocaine Khadija, rencontrée il y a quelques années à Marrakech, et de leurs filles adoptives. Avec ses livres qu'il peut lire "à longueur de journée" grâce à une baguette dotée d'un "reposoir" spécialement confectionné pour lui.
"On ne vit que par le regard de l'Autre ça c'est clair, c'est lui qui vous donne votre existence", ajoute avec douceur M. Pozzo di Borgo, né en 1952. "Je voulais écrire un livre qui ne soit pas un simple divertissement (..) ni d'optimisme de commande".

"Le second souffle" raconte l'amitié, l'amour et les autres, handicapés ou pas. Son amitié de riche aristocrate avec Abdel - comme dans le film, où Omar Sy campe avec humour et attention Driss alias Abdel, l'aide-soignant algérien venu d'une cité parisienne pauvre. Mais aussi lamour de sa première femme Béatrice, décédée d'une rare maladie du sang, et aujourdhui celui de Khadija.
Voilà ce qui "sauve", dit-il avec humour.

Installé au Maroc depuis 2003 sur le conseil de ses médecins, Philippe Pozzo de Borgo réside près d'Essaouira (sud), sur la côte atlantique dans une belle villa blanche au milieu des vergers.
Pour arriver jusqu'à lui, il faut emprunter une piste qui longe un village à la sortie de l'ancienne Mogador, la capitale de la musique du royaume où se déroulent plusieurs festivals de musique locale et occidentale.
"Essaouira m'a été conseillée à cause de ma maladie. Cette ville est la seule au monde qui bénéficie de l'atmosphère nécessaire à mon état de santé, avec une température qui varie entre 25° maximum et 16° minimum", explique-t-il.
"Pour des raisons purement neurologiques je souffre beaucoup du climat français. Abdel m'amenait souvent avec mes enfants au Maroc l'hiver pour me soulager de mes douleurs. En 2003, il ma installé pour l'hiver, jai rencontré mon épouse et je suis resté. Et lui a rencontré son épouse et il est reparti en Algérie où il fait de l'élevage", raconte-t-il.

"Je préfère les richesses de ma paralysie à celles de ma classe"

Depuis, l'ancien homme d'affaires impatient, ex-directeur des champagnes Pommery (groupe LVMH) et héritier de deux grandes familles françaises, s'est transformé en sage. Entre-temps, il a découvert l'exclusion et la souffrance, à la suite d'une chute en parapente qui l'a laissé handicapé à vie.
"Je préfère les richesses de ma paralysie à celle de ma classe: j'ai l'impression de vivre plus intensément, d'être enfin humain", glisse encore ce privilégié, sans une trace de vanité dans ses propos.
Dans le séjour de sa maison, construite par un architecte de Guinée Bissau, trône un piano à queue. "Quand je suis triste ou que je souffre dans mon corps, j'aime écouter de la musique dans ma chambre".

Amoureux des arts dans le film comme dans la vraie vie, il s'est entouré, ici, d'oeuvres modernes d'artistes marocains.

"Si les gens applaudissent à la fin du film, je crois qu'ils s'applaudissent eux-mêmes, et finalement ils sapplaudissent les uns les autres en se disant, ben finalement c'est pas si catastrophique que ça".

"Intouchables", coréalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache, a passé la semaine dernière la barre des 13 millions de spectateurs en France.
hm/jms

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