Cinéma : 2012, le handicap en haut de l'affiche ?

Ca bouge sur le grand écran en 2012. Le sous-titrage des films se généralise, les figurants handicapés s'invitent à l'image et le handicap inspire de nombreux scenarii. Bientôt en cinémascope ? Un engagement prioritaire pour Frédéric Mitterrand

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Handicap.fr : Aller au cinéma, ce ne doit plus être un luxe pour les personnes handicapées ?
Frédéric Mitterrand
: Nous savons tous le rôle que peut et doit jouer le domaine culturel dans la vie d'une personne en situation de handicap, et notamment le cinéma, qui est toujours l'un des loisirs culturels les plus populaires, en famille, entre amis. Le cinéma peut beaucoup faire pour changer le regard de chacun : nous l'avons constaté avec le très beau succès d'Intouchables. Il importe que chacun y ait accès quelle que soit sa situation. J'y suis particulièrement attentif.

H
: Et pourtant la colère continue de gronder, faute d'accessibilité, à la fois des œuvres et des salles...
Frédéric Mitterrand
: Il y a, dans notre pays, sur la question du handicap, une marge de progression considérable, en termes de réflexes, en termes d'état d'esprit. C'est une condition préalable pour mener toute action pérenne. Un travail de pédagogie est donc nécessaire pour sensibiliser les professionnels de la culture, comme ceux du milieu associatif ; pour changer, surtout, le regard de l'ensemble de nos concitoyens. C'est toute l'ambition de l'association Retour d'image. Ce collectif créé en 2003 réunit des professionnels du film et des cinéphiles, pour certains en situation de handicap. Il se mobilise tant sur la représentation des personnes handicapées dans les œuvres cinématographiques que sur l'accessibilité des films.

H
: De quelle manière le gouvernement agit-t-il dans ce sens ?
Frédéric Mitterrand
: Le 26 janvier 2012, nous avons consacré, avec Roselyne Bachelot, une réunion de la commission nationale Culture-Handicap aux domaines du cinéma et de l'audiovisuel. J'ai veillé à ce que des mesures concrètes soient prises tant sur l'accessibilité du patrimoine cinématographique que sur celle des films qui font l'actualité. Je suis conscient qu'il reste encore du chemin à parcourir afin de prendre en compte toutes les attentes des personnes handicapées dans le domaine de l'accès au cinéma ; je crois néanmoins que nous avons franchi un certain nombre d'étapes importantes.

H
: C'est-à-dire ? Cela signifie que tous les films seront bientôt sous-titrés, voire audio-décrits ?
Frédéric Mitterrand
: Nous avons travaillé avec le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) pour que le sous-titrage et l'audio-description s'imposent progressivement dès la post-production, grâce à un dispositif d'aide du CNC doté d'1M€ par an pendant 3 ans, grâce aussi à une mission confiée à l'inspection générale des affaires culturelles afin de définir comment mieux coordonner les efforts, en faisant circuler l'information sur les œuvres sous-titrées et audio-décrites. Un travail devra également être conduit sur la qualité de l'audio-description. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui vient d'établir avec tous les acteurs concernés une « Charte qualité du sous-titrage », nous y aidera.

H
: Audio-décrire un film, c'est un vrai savoir-faire... Bientôt un nouveau métier ?
Frédéric Mitterrand
: La question particulière du développement de l'audio-description rejoint en effet l'un des chantiers engagés au niveau interministériel : celui de l'identification et de la reconnaissance des métiers du handicap et de la conception universelle. La mission que j'ai mise en place sur le sujet devrait permettre de progresser dans l'identification et la reconnaissance des métiers liés à l'audio-description.

H
: Il faut encore pour cela pouvoir accéder aux salles de cinéma. Ce qui est loin d'être le cas...
Frédéric Mitterrand
: Afin de respecter le calendrier que nous nous sommes fixés avec la loi du 11 février 2005, l'accès aux salles de cinéma est un chantier que nous menons en parallèle à celui de l'accessibilité aux œuvres. À cet égard, je tiens à souligner l'engagement des exploitants pour la mise en conformité de leurs établissements. C'est le cas pour les multiplexes, qui sont largement accessibles aux personnes en situation de handicap moteur.

H
: Mais comment concevoir que de tels aménagements soient réalisables dans les petites salles ?
Frédéric Mitterrand
: La variété du parc nous a en effet conduits à créer les conditions d'une véritable concertation afin d'accompagner également les exploitants de petits cinémas, notamment d'art et essai, sous la forme d'un groupe de travail. Le ministère de la Culture et de la communication s'est par ailleurs engagé, en lien avec le CNC, à produire un nouvel ouvrage de la collection Culture et Handicap consacré précisément à l'accessibilité au cinéma.

H
: C'est cette implication qui a motivé la création du Festival « Un autre regard » qui aura lieu pour la première fois fin mars 2012 ?
Frédéric Mitterrand
: Oui. Conscients de l'importance des enjeux, nous avons souhaité, Roselyne Bachelot et moi-même, donner une visibilité à cette question fondamentale des relations entre cinéma et handicap, tant vis-à-vis du grand public que des professionnels. Nos deux ministères et le CNC ont donc apporté leur soutien, en lien avec le Conseil général de Vendée et la ville de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, à l'organisation du festival « Un autre regard » qui se tiendra du 29 au 31 mars prochain, au ciné-Marine de Saint-Gilles. Et je me réjouis que Sophie Vouzelaud, actrice et porte-parole de la communauté sourde, soit la marraine de cette première édition.

H
: Mais il existe déjà, depuis dix ans, le festival « Handica-Apicil » qui met à l'honneur des productions sur la thématique du handicap. Cela ne fait pas doublon ?
Frédéric Mitterrand
: Plusieurs évènements peuvent se déployer sur cette thématique et cohabiter sans entrer en concurrence. Plus grande sera la visibilité du handicap à l'écran, mieux ce sera pour tous. Et ce festival comporte une journée professionnelle importante, le 30 mars, qui sera consacrée à toutes ces questions d'accessibilité.

H
: La thématique du handicap s'invite sur de nombreuses affiches cette année. Une vraie visibilité, enfin !
Frédéric Mitterrand : De ce point de vue, la programmation proposée par « Un autre regard » me semble particulièrement prometteuse. Nous y verrons plusieurs longs métrages. Hasta la vista, le voyage initiatique de trois garçons handicapés. Porfirio, qui a reçu une balle dans la moelle épinière et qui, dans son monde réduit de son lit à son fauteuil roulant, rêve qu'il peut voler. The Hammer, long métrage sur le professionnel de lutte sourd Matt Hamill, dont la distribution a été remaniée à la demande des associations de comédiens sourds afin que le premier rôle soit confié à Russell Harvard, un jeune comédien sourd. Yo también, un premier long métrage espagnol qui modifie profondément le regard porté sur les personnes trisomiques. Mais aussi Michel Petrucciani, un documentaire sur ce célèbre musicien atteint d'ostéogénèse imparfaite qui rêvait d'une seule chose dans la vie, « marcher sur la plage avec une femme à ses côtés ».

Interview réalisé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr
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