Fauteuil roulant en état d'ivresse : quel risque ?

Conduire un fauteuil roulant avec un petit coup dans le nez, ce n'est pas courant, mais le législateur a tout de même prévu des sanctions à ne pas prendre à la légère. Que risque le conducteur s'il est interpelé ? Gros, s'il roule en modèle é

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En mars 2012, un article révélait que les conducteurs de fauteuils électriques ne seront pas tenus de posséder un éthylotest, obligatoire à compter du 1er juillet 2012 dans tous les autres véhicules. L'occasion de mener une petite enquête somme toute légitime : que risque un usager en fauteuil roulant s'il est interpelé en état d'ivresse ? Car, après tout, pourquoi les personnes handicapées ne seraient-elles pas, au même titre que les autres, sujettes à l'alcoolisme ou aux virées trop arrosées ? Alors, avant de prendre le « joystick », pas question de s'envoyer un petit dernier pour la route... Mais, avant toute chose, il est nécessaire de définir le « mode de locomotion ». Car de lui dépend la nature des sanctions...

Les fauteuils manuels


Pour le fauteuil manuel, pas de doute possible. N'ayant pas de moteur, il est défini comme un « équipement spécifique permettant à une personne handicapée de retrouver la mobilité d'un piéton ». A ce titre, il a d'ailleurs tout loisir d'emprunter les trottoirs, même s'il est également autorisé à rouler sur la chaussée, à condition de prendre toute précaution nécessaire (article R 412-35 du Code de la route, dernier alinéa).
Selon l'article R 412-34 (II), sont donc assimilés aux piétons :
• 1° Les personnes qui conduisent une voiture d'enfant, de malade ou d'infirme, ou tout autre véhicule de petite dimension sans moteur.
• 3° Les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes (ou circulant à l'allure du pas).

Une sémantique d'un autre temps mais qui n'en demeure pas moins explicite. Il n'en va pas forcément de même pour les fauteuils électriques...

Les fauteuils électriques : - de 6 km/h


Car, dès qu'on parle « moteur », c'est une toute autre histoire. Revenons sur la précédente définition : « Les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes « ou circulant à l'allure du pas ». » Le « pas » est une mesure a priori arbitraire qui varie selon la cadence du marcheur. C'est donc tout aussi arbitrairement que cette vitesse a été fixée à 6 km/h par la DSCR (Direction de la sécurité et de la circulation routière). Mais parce qu'aucun chiffre n'est explicitement mentionné dans le Code de la route, cette interprétation peut évidemment être sujette à caution, et relève, en réalité, de l'appréciation souveraine des tribunaux. Pour simplifier les choses, considérons que les fauteuils roulants motorisés qui ne peuvent, par construction, dépasser 6 km/h ne sont pas considérés comme des véhicules à moteur. Pour connaître leur vitesse maximale, il faut s'en remettre à la fiche fournie par le constructeur. C'est en général le cas du « fauteuil roulant électrique d'intérieur » (petit modèle, généralement pliable, avec une autonomie de 10 à 16 km et une vitesse de 0 à 6 km/h).

Les fauteuils électriques : + de 6 km/h


Donc, selon ce même article, tout fauteuil dont la « vitesse constructeur » est supérieure à 6 km/h bascule dans une autre catégorie. Partant de ce principe, on pourrait d'ailleurs se demander ce qu'il en est de l'usager en fauteuil manuel qui, à la seule force de ses bras, se propulse à plus de 6 km/h... Mais évitons de compliquer les choses en se référant à l'article L110-1 du Code de la route qui impose bel et bien la présence d'un « moteur » ! Les modèles dits « d'extérieur » roulent en général à 10 km/h (dans le cas d'un fauteuil mixte, proposant à la fois 6 et 10 km/h, c'est la vitesse supérieure qui est retenue), tandis que certains modèles améliorés ou scooters médicaux peuvent atteindre, voire dépasser, 15 km/h. Selon l'article R. 311-1, tous ces engins, quels que soient leur carénage, leur puissance et leur vitesse, sont donc soumis aux règles du Code de la route. La loi les contraint, notamment, à circuler sur la chaussée ! A se demander si le législateur a pris en compte les réalités de la vie urbaine...

Les sanctions en cas d'ivresse


Maintenant que les jalons sont posés, que risque le conducteur d'un fauteuil s'il conduit sous l'emprise de l'alcool ? Question posée à maître Yann Lefebvre, avocat au sein du cabinet Kirmen et Lefebvre www.kl-avocats.fr/alcool_au_volant ), spécialiste du droit routier et de la défense des automobilistes, portant à la fois sur le volet administratif et pénal.

Commençons par l'usager en fauteuil manuel ou électrique de moins de 6 km/h : il ne risque pas grand-chose, si ce n'est une infraction pour ivresse sur la voie publique (IVP).

Pour ce qui est du conducteur d'un fauteuil électrique allant à plus de 6 km/h, c'est un tout autre tarif !

S'il n'a pas le permis de conduire (au même titre que le conducteur d'une voiture sans permis ou d'une moto ou scooter 50 cm3), il encourt :
• Une amende
• L'interdiction de passer le permis pendant trois ans
• L'interdiction de conduire des voitures sans permis ou scooter de 50 cm
• Une peine pénale en cas d'accident (jusqu'à 4 500 € d'amende et 2 ans de prison)
• Une peine d'intérêt général
• Et, le plus gênant, l'interdiction temporaire ou définitive d'utiliser son unique mode de transport, à savoir son fauteuil.

S'il est titulaire d'un permis de conduire, il risque, en plus :
• Le retrait partiel ou l'annulation de son permis (pouvant aller jusqu'à trois ans)
• Le retrait de points

Maître Yann Lefebvre reconnaît, malgré son expertise, n'avoir jamais eu à défendre de tels cas, mais précise que la seule trace en France d'une jurisprudence ayant été amenée à se pencher sur cette question d'ivresse en « voiture d'infirme autopropulsé » remonte à 1954 ! Signe que les personnes handicapées sont des conducteurs responsables ou que les forces de l'ordre font preuve d'une immense indulgence à leur égard ? La question reste posée...

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