Autisme : colloque sur la politique éducative bientraitante

Quelles sont les dernières avancées scientifiques, juridiques et politiques en matière d'autisme ? Réponses lors du colloque qui célèbre les 20 ans de l'association AFG autisme, le 13 septembre 2025, à Paris. Quelques pistes en avant-première...

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Une prof aide un élève, entouré de camarades filles, en classe.

Deux décennies et des centaines d'actions en faveur des personnes autistes. À l'occasion de son 20e anniversaire, l'association AFG autisme organise un colloque scientifique le 13 septembre 2025, de 9h à 18h, à l'espace Reuilly, dans le 12e arrondissement de Paris (1 rue Riesener). Le thème ? Une politique éducative pour un accompagnement bientraitant. Objectif ? Mettre en lumière les dernières avancées scientifiques, juridiques et politiques et leur impact sur le terrain. Son président, André Masin, explique les enjeux de cet évènement « stimulant ». RDV sur le site d'AFG autisme pour découvrir les tarifs et procéder à l'inscription.

Handicap.fr : Pourquoi avoir choisi de consacrer ce colloque à la notion de « bientraitance » dans l'accompagnement éducatif ?
André Masin, président d'AFG autisme : La bientraitance est la condition même d'un accompagnement éducatif de qualité et respectueux des droits des personnes autistes. Même si elle le devrait, la bientraitance ne va jamais de soi : elle demande une réflexion permanente, partagée entre professionnels, familles et personnes concernées. Elle implique de considérer la singularité de chacun, d'adapter les pratiques éducatives et de s'assurer qu'elles soient réellement aidantes et respectueuses de l'autonomie. La bientraitance, c'est aussi travailler avec les familles, écouter les personnes concernées et se former aux approches validées pour offrir un accompagnement de qualité.

Nous voulions, pour nos 20 ans, marquer cet engagement et créer un temps fort d'échanges autour de cette exigence : une « politique éducative » doit avant tout être synonyme de respect, de qualité et de bientraitance dans chaque geste professionnel.

H.fr : À qui s'adresse ce colloque ?
AM : À tous ceux qui s'intéressent à l'autisme et à la qualité de l'accompagnement : professionnels du médico-social et de la santé, éducateurs, enseignants, chercheurs, responsables institutionnels, familles et, bien sûr, personnes concernées.

H.fr : Quelles voix y seront représentées ?
AM : Nous avons voulu donner la parole à une grande diversité d'intervenants : des experts scientifiques reconnus, des professionnels de terrain, des représentants institutionnels comme Étienne Pot (délégué interministériel à la stratégie nationale des troubles du neurodéveloppement), mais aussi des parents et des personnes autistes.

C'est cette pluralité de voix qui fait la richesse du programme : on y parlera de génétique, de diagnostic, d'accompagnement éducatif, de développement linguistique, de droits, d'inclusion sociale et professionnelle ou encore de sport et de qualité de vie. En rassemblant ces perspectives, nous voulons créer un espace d'échanges qui permette de mieux comprendre la complexité des enjeux et de faire progresser ensemble nos pratiques. 

H.fr : Qu'attendez-vous concrètement de cette journée ?
AM : Nous attendons beaucoup de cette journée, que nous avons imaginée à la fois comme un moment réflexif et concret. Bien sûr, nous espérons susciter une prise de conscience collective sur l'importance de la bientraitance et sur la responsabilité de tous les acteurs de l'accompagnement éducatif.

Nous voulons aussi encourager des échanges de pratiques entre professionnels, familles et chercheurs, pour diffuser des approches éprouvées et réfléchir ensemble aux difficultés du terrain.

H.fr : L'événement se déroule quelques mois avant les élections municipales. Envoie-t-il un message aux décideurs politiques ?
AM : La présence d'Etienne Pot est la preuve de notre volonté de faire passer des messages au monde politique, que ce soit à l'échelle locale ou nationale, en 2027. Le handicap, et l'autisme en particulier, ne doit pas être une variable d'ajustement. On ne peut plus se contenter de déclarations d'intention sur l'inclusion, le droit commun ou la bientraitance : il faut des moyens concrets, des engagements fermes et une vraie ambition pour les personnes autistes et leurs familles. Halte aux vagues promesses. Pas de véritable politique de bientraitance sans investissement massif et sans volonté de transformer les pratiques !

H.fr : En 2025, quel regard portez-vous sur la manière dont l'école française accueille les enfants avec des troubles du neurodéveloppement (TND) ?
AM : En 2004, quand la France a été condamnée pour manque d'éducation des personnes autistes, nous avions 10 % de réponses adaptées pour les enfants autistes ; en 2025, nous sommes à 20 %. Nous avons incontestablement progressé sur l'accueil des enfants avec TND à l'école : il y a davantage de sensibilisation, d'AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap), de dispositifs : UEEMA, UEEA, DAR que nous portons d'ailleurs avec AFG autisme… et la question de l'inclusion est maintenant au cœur du débat public.

Mais il reste encore énormément de travail : les moyens sont trop limités, les enseignants souvent insuffisamment formés, les familles se battent encore pour obtenir des aménagements ou des accompagnements adaptés. Sans compter que le manque de solutions touche cruellement les plus bas niveaux qui ne peuvent être scolarisés et qui ont besoin d'une autre éducation, dans l'éducation structurée comme nous le faisons dans nos IME. Pour 30 ou 40 places, nous en avons plus de 300 en liste d'attente, avec deux ou trois sorties/orientations par an. 

Pour nous, la véritable inclusion ne doit pas être un mot creux : elle suppose des choix budgétaires et une réflexion de fond sur la manière d'adapter l'école à tous les élèves, quels que soient leurs besoins. Nous militons depuis 15 ans pour avoir des groupes/classe au sein de chaque école. Une ministre l'a évoqué il y a deux ans, sauf que, depuis, rien ne sort. 

H.fr : Quels sont, selon vous, les principaux verrous qui empêchent aujourd'hui un accompagnement vraiment bientraitant ?
AM :
Les verrous sont multiples et bien connus : d'abord, le manque criant de moyens humains et financiers. On ne peut pas parler de bientraitance quand les professionnels sont en sous-effectif, épuisés ou mal formés.

Il y a   un vrai problème de formation : beaucoup d'accompagnants n'ont pas encore accès aux outils, aux approches validées scientifiquement ou à une culture commune de la bientraitance.

Autre obstacle majeur : l'organisation trop cloisonnée des dispositifs. Les familles se perdent entre les acteurs médico-sociaux trop souvent généralistes, éducatifs et sanitaires qui ne travaillent pas toujours ensemble ; cela crée des ruptures de parcours et des situations d'exclusion.

Enfin, il faut interroger nos représentations : il reste des idées reçues, des peurs ou des postures paternalistes qui freinent une véritable co-construction avec les personnes concernées et leurs proches.

H.fr : Quelles seraient, concrètement, les premières mesures à mettre en œuvre pour changer la donne ?
AM : Il faudrait en priorité et de façon générale :

  • Recruter et former sur l'éducation structurée et comportementale davantage de professionnels, avec des conditions de travail décentes.
  • Généraliser la formation initiale et continue sur l'autisme et les TND pour tous les acteurs – enseignants, soignants, éducateurs, AESH –, en l'exemptant de la psychanalyse qui n'a aucune efficacité positive. Il faut une vraie culture commune de l'inclusion et de la bientraitance.
  • Mieux coordonner les parcours : casser les silos entre école, médico-social, sanitaire et vie sociale. On a besoin de dispositifs intégrés, lisibles, accessibles pour les familles.
  • Donner des moyens concrets aux familles : accès simplifié aux droits, accompagnement, répit. La charge qui pèse sur elles est énorme, la société doit la partager.
  • Enfin, impliquer systématiquement les personnes concernées dans l'élaboration des politiques et des dispositifs. Personne ne connaît mieux leurs besoins qu'elles-mêmes.

Ces éléments viennent en complément de ceux diffusés dans notre note de position, proposée à tous les acteurs politiques que nous rencontrons, et qui exhorte notamment à créer des solutions pour les adultes autistes dans tous les départements proportionnellement à la population, mais aussi des solutions spécifiques pour les enfants et le renforcement des mesures destinées aux familles.

H.fr : Depuis que vous présidez AFG autisme, quels changements majeurs avez-vous observés dans les politiques publiques liées à l'autisme et aux TND ?
AM :
Depuis sa création le 11 février 2005, nous avons vu des évolutions notables dans les politiques publiques : la question de l'autisme et des TND est davantage reconnue comme un enjeu de santé publique et de société. Les plans autisme puis les stratégies nationales ont permis de structurer l'action publique, de financer des formations, de sensibiliser, de développer des dispositifs nouveaux, comme les plateformes de coordination, les unités d'enseignement, les dispositifs d'autorégulation… qui complètent les réponses tout en restant au sein des écoles.

Il y a aussi un vrai progrès dans la prise en compte du diagnostic précoce, et la recherche française s'est renforcée ; on collabore davantage à l'international.

Mais, en parallèle, il faut le dire, les moyens restent insuffisants, les inégalités territoriales sont criantes et beaucoup de familles vivent encore de véritables parcours du combattant. Les ruptures de parcours, le manque de places, les professionnels épuisés ou non formés montrent que la traduction concrète des stratégies nationales sur le terrain restent incomplètes, avec seulement 3 à 5 % de réponses adaptées pour les adultes autistes.

On a franchi un cap sur la prise de conscience, mais il faut désormais passer à l'échelle supérieure. Nous le démontrerons lors du colloque du 13 septembre, une personne autiste mal accompagnée, mal prise en charge coûte deux fois plus cher qu'une personne bien prise en charge, avec les moyens nécessaires. Ça tombe bien, la France n'a pas d'argent, donc faisons des économies en investissant sur l'accompagnement digne, qualitatif et bientraitant des personnes autistes !

© Syda Productions / Canva

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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