Le SED : un cauchemar de tous les instants

Quel est donc ce syndrome dont on n'a jamais entendu parler : celui d'Ehlers Danlos ? On surnomme ses malades " les intermittents du handicap ". Et pourtant, c'est la galère à plein temps. Avec le SED, ça passe ou ça froisse !

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L'ASED (Association Apprivoiser les syndromes d'Ehlers-Danlos) n'a que cinq ans ! Et, pourtant, cette maladie est connue depuis le 19ème siècle. Un parcours semé de contradictions puisque celui qui lui a donné une partie de son nom, le docteur Danlos, l'assimilait à l'hyperlaxité ligamentaire, celle qu'on appelle aussi la « maladie des contorsionnistes ! Intermittents du handicap, maladie des contorsionnistes... On se croirait au cirque. Mais la réalité est nettement moins burlesque.

Un handicap fluctuant


Le syndrome d'Ehlers Danlos est une maladie génétique qui affecte le collagène (qui compose 75 % du corps humain). Elle s'insinue donc dans chaque parcelle. Fatigue, douleurs diffuses, variables et rebelles aux médications antalgiques, hypermobilité articulaire (à l'origine de fréquentes luxations), fragilité cutanée, saignements, troubles de la proprioception et du schéma corporel, manifestations digestives (constipation et surtout reflux gastro-œsophagiens)... Une incroyable convergence de symptômes qui empêche d'y voir bien clair. Un jour la marche est difficile mais possible et, le lendemain, la dépendance au fauteuil roulant, parfois électrique, est de mise. Cet état capricieux nécessite une grande adaptabilité et le deuil de la spontanéité. Les personnes atteintes ignorent totalement dans quelle mesure elles peuvent faire confiance à leur corps ! Handicapées, à des degrés divers et changeants...

Pas un seul jour sans douleur


Ce syndrome touche des milliers de Français. Savoir combien, exactement, c'est une autre affaire. Impossible de s'appuyer sur des statistiques fiables car de nombreuses personnes sont porteuses sans le savoir. La piste génétique est avérée mais aucun chercheur n'a encore trouvé le gène responsable. On le confond avec d'autres pathologies, on le néglige, on accuse les malades de faire du cinéma (ah, ces intermittents !), de s'écouter un peu trop. Parlez-en à Céline Lethaud... Depuis qu'elle est née, elle n'a pas le souvenir d'un seul jour sans douleur. Le moindre geste l'épuise et, pour elle, faire le ménage c'est mission impossible ! « On me disait que c'était psychologique. Et lorsque je faisais des luxations, on m'envoyait en chirurgie, ce qui n'a rien arrangé. »

Parents suspectés de maltraitance


« Psychologique » ces troubles quotidiens, cette fatigue incessante, cette scolarité compliquée, ce renoncement à l'emploi, ce désordre familial et social ? Et puis ces luxations à répétition, si fréquentes que les enfants apprennent spontanément à les réduire eux-mêmes. Alors, évidemment, lorsqu'ils arrivent aux urgences, la radio certifie que tout est rentré dans l'ordre. Vous voyez bien, c'était du cinéma ! Parfois, ils arrivent aux urgences, et ce sont leurs parents qui trinquent. Un tout autre scénario : « Cette maladie engendre des troubles vasculaires, et les enfants font facilement des bleus, explique Céline. Certains parents sont donc suspectés de maltraitance. Un peu comme dans le cas d'ostéogénèse imparfaite, dite également « maladie des os de verre. » ». C'est d'ailleurs une cousine proche : la fracture est à l'ostéogénèse ce que la luxation est au syndrome d'Ehlers Danlos.

Un seul service dédié


Il est vrai que la maladie est capricieuse. Insupportable pour celui qui la subit, elle se fait invisible pour les autres. La gêne peut durer dix minutes... ou des heures. Luxation, rémission, entorse, rémission, constipation, rémission... Pas facile de la saisir, une anguille sournoise qui distille le mal selon son bon vouloir. Chaque patient vit en sursis, en attente de la prochaine crise. Avec le temps, les poussées sont parfois de plus en plus intenses, mais pas toujours. Le SED n'en fait qu'à sa tête... Et cette tête là ne revient pas à grand monde. Il n'y a guère qu'un seul médecin qui se soit penché sur la question : le professeur Claude Hamonet (également président d'honneur de l'ASED), qui gère l'unique service dédié, créé il y a une dizaine d'années au sein de l'Hôtel Dieu à Paris. Lorsqu'après des années d'errance, les patients poussent enfin sa porte, ils ont été bien abîmés par le déni, les erreurs diagnostiques, par les reproches et, évidemment, par les crises et les douleurs...

Pas de traitement


Le médecin généraliste de Céline a, quant à lui, d'autres chats à fouetter. « A chaque fois, il me dit d'aller à Paris. Mais j'habite en Saône-et-Loire et, pour bien faire, il me faudrait entre six et huit visites par an ! Car il est important d'enrayer les symptômes dans l'urgence. La Sécurité sociale me refuse la prise en charge du transport car cette maladie n'appartient à aucune nomenclature. » Les démarches auprès des caisses d'assurance maladie ou des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne viennent qu'alourdir encore le poids de la pathologie. Celle-ci n'étant pas suffisamment connue, et la mouvance des symptômes trop aléatoire, les médecins de ces institutions rejettent encore trop souvent les demandes de reconnaissance effectuées par leurs confrères. Il n'existe, pour le moment, pas de traitement. Le seul secours de la médecine, ce sont des aides thérapeutiques comme les orthèses ou des traitements pour atténuer la douleur. On soulage mais on ne soigne pas !

Errance héréditaire


Céline a « reçu » cette maladie de ses parents, mais allez savoir lequel... Le hasard a fait que son père claudiquait et que sa mère avait une peau très élastique ; impossible, donc, en l'absence de test génétique et avec des symptômes aussi légers, de savoir qui était porteur. Par contre, Céline a une certitude, elle l'a transmise à ses deux enfants, Kevin, 15 ans, et Dylan, 13 ans. Sans que l'on ne puisse affirmer une prévalence liée au sexe, il apparait que les femmes sont plus souvent atteintes : « Le facteur hormonal pourrait avoir une incidence et, par ailleurs, la musculature plus développée des hommes permet peut-être de limiter les risques. », explique Céline, qui déplore, malgré cela, qu'aucun de ses garçons n'ait été épargné.

Un no man's land médico-social


Alors, pour elle, pour eux, elle a décidé de se battre. Elle prête main-forte à l'ASED, qui a su la soutenir lorsqu'elle en avait besoin. Elle fut créée, en 2007, par Nelly Serre, pour venir en aide à sa fille, Clara. Et, « hommage collatéral » oblige, à d'autres ensuite... Céline est l'une des « trop rares » délégués régionaux, et propose une cellule d'accueil téléphonique pour aider ses pairs à avancer dans ce désert médico-social, mais aussi médiatique. « J'envoie des dizaines de communiqués aux medias, mais cette maladie semble n'intéresser personne, même si, grâce à l'implication de notre association, les choses bougent favorablement depuis deux ans. » Pour sortir, enfin, les patients de ce no man's land...

Plus Infos:
http://www.ased.fr

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