Femme et handicap : menacés de disparition ?

La sélection des embryons alimente un débat éthique passionné. En France, elle n'est justifiée que par le motif thérapeutique. Mais, ailleurs, il suffit d'être fille pour ne pas exister ! Handicap et féminité unis dans ce même combat ?

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A l'heure où l'euthanasie profite de la campagne présidentielle pour s'inviter à nouveau dans le débat public, à l'heure où le dépistage prénatal devient un outil pour accéder à la « normalité », une question mérite d'être posée : « Suspendre le droit de vie ne risque-t-il pas de toucher d'autres individus réputés vulnérables ? » De là à penser que le seul fait d'être femme pourrait en faire une victime, il n'y a qu'un pas que certains n'hésitent pas à franchir. Ce sont notamment les propos tenus par Danielle Moyse, philosophe, lors du colloque organisé en mars 2012 au sein du Collège des Bernardins, à Paris, sur le thème « Handicap, handicaps : vie normale, vie parfaite, vie handicapée ? ». Si son parallèle a suscité quelques remous dans l'assemblée, le propos, intelligemment énoncé, ne manque pas de pertinence. Un débat idéologique d'envergure qui mérite qu'on s'y attarde !

Les fœtus féminins en sursis

Pour appuyer sa démonstration, Danielle Moyse énonce un chiffre qui fait frémir : il manque 100 millions de femmes en Asie ! Comment nommer cette politique de sélection à grande échelle en Chine qui extermine les fœtus féminins ? Mais pas seulement. C'est aussi le cas en Albanie, en Azerbaïdjan, où les avortements sélectifs existent bel et bien. Et pourquoi pas en Suède, au bon vouloir du couple, où l'interruption « volontaire » de grossesse sans justification, est légale jusqu'à la 18ème semaine de grossesse, un terme où l'on connait déjà le sexe de l'enfant ? « Qu'on le veuille ou non, le premier « handicap », cause de sélection prénatale dans le monde, c'est la féminité !, s'insurge Danielle ».

Définition du handicap

Et si l'on accorde tous leurs sens aux mots, la définition du CIF (Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé) permet, dans certaines circonstances, dans certains pays, de classer les femmes dans cette catégorie : « limitation des activités et restriction de la participation à la vie sociale ». La notion de « handicap » devient alors infiniment extensible ; elle ne tient plus au handicap lui-même, en tant que déficience ou maladie, mais au milieu dans lequel l'individu évolue, influencé par différents facteurs, notamment sociaux. L'OMS (Organisation mondiale de la santé) propose, quant à elle, une définition de la santé qui, si on la cisèle au scalpel, peut sembler encore plus « utopique » pour certains citoyens : « Etat de parfait bien-être physique, mental et social, et non seulement une absence de maladie ou de handicap ».

Des « races inférieures » ?

Amin Maalouf a écrit, en 1992, « Un siècle après Béatrice », sur la malédiction de naître fille. Il, dénonce, dans ce livre « d'anticipation » (mais pas tant que cela !), les conséquences du déficit de femmes sur nos sociétés, la violence induite par la sélection des sexes. « L'humanité n'a toujours souhaité ne voir naître que des hommes, et c'est aujourd'hui possible, explique Danielle Moyse. C'est l'un des archaïsmes de la modernité ! C'est la viscérale phobie de l'homme à l'égard de ce qui représente la mise en danger de sa toute puissance. Prenons l'exemple des trisomiques, que l'on appelle aussi « mongoliens ». Selon certains, ils sont une forme archaïque de l'humanité, qualifiée de race inférieure. L'avortement qui est pratiqué sur eux à grande échelle existe bien avec cette arrière-pensée ! Alors, allons plus loin... La sélection des naissances l'est en fonction de nos peurs, et pourrait devenir si aléatoire que n'importe qui pourrait, à l'avenir, en être victime. Ce qui se passe en Asie contre les femmes ne porte pas d'autre nom que celui de « crime contre l'humanité ». Mais qui osera le reconnaître ? »

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