Marc Maury, pionnier français de la rééducation neurologique
En 1945 personne ne parie sur la vie de ce jeune homme de 22 ans que ses copains sortent de l'eau, inerte après un plongeon imprudent. À cette époque-là, nul ne survit à la tétraplégie. . Nul sauf Marc Maury....
Il ne s'est pas contenté de survivre. Il est devenu médecin et a été le pionnier français de la rééducation neurologique. Le Dr Maury a aujourd'hui près de 80 ans.
« Ce livre commence avec ma deuxième vie, à l'instant ou un plongeon mal calculé provoque une fracture de la colonne vertébrale, une paralysie incomplète des 4 membres et une perte de la sensibilité sur les 3/4 du corps. En 1945, les soins spécialisés et la rééducation n'existent pas. La mort m'est promise par plusieurs sommités médicales.
Cette chronique d'une mort annoncée, mon entourage, en particulier mon épouse et ma mère, se bat pour la démentir. A l'hôpital de la Salpêtrière à Paris, un assistant de neurologie, qui deviendra le grand patron, nous aide, à se montrer actif et positif comme s'il ignorait le pronostic. Je n'échappe pas aux escarres ni à quelques complications de l'immobilité.
Les quelques années qui suivent sont rendues difficiles par le manque de conseils, l'absence de rééducation en particulier sphinctérienne, les interrogations sur mon devenir physique et professionnel, l'apprentissage de chef et de père de famille tétraplégique. Notre fille a 3 mois au moment de l'accident.
Après des atermoiements, je reprends mes études de médecine, interrompues en fin de deuxième année. Etudiant me déplaçant en vélocimane, je m'habitue au regard des autres, j'apprends à regarder vers le haut, très haut, à dépasser ma différence.
Peu à peu, je parviens à marcher avec deux cannes canadiennes munies de poignées adaptées et avec deux élastiques au bras pour compenser la déficience des membres supérieurs. Je marcherai ainsi jusqu'à une centaine de mètres pendant 25 ans. Psychologiquement et physiologiquement cela s'avère très important.
En 1950, la poliomyélite fait rage. Pour répondre aux besoins, l'Assistance Publique ouvre à Garches le centre national de traitement des séquelles sous la férule du Professeur Grossiord. Il m'accueille comme médecin stagiaire et j'y passe mes journées entières pendant 18 mois. J'y apprends beaucoup. C'est un formidable tremplin pour mon avenir. Grossiord a été mon patron, mon Maître à penser et mon ami pendant sa trop courte retraite.
Sur le conseil de l'APF, je rédige un mémoire sur l'orientation professionnelle des enfants paralysés. Ce travail va avoir un effet aussi déterminant qu'inattendu sur mon avenir. Le Professeur Debré l'apprécie, l'utilise pour des propositions au Ministère et se trouver être, deux ans plus tard le Président de la Commission Médicale qui va choisir le médecin chef du centre de rééducation neurologique qui va ouvrir à Fontainebleau. Après la malchance, c'est le temps de la chance.
Médecin tétraplégique, rescapé et jamais rééduqué, je vais avoir la charge d'une centaine d'adultes et d'enfants paralysés. Je m'y engage avec une ardeur effrénée, je donne beaucoup ; je reçois plus encore de mes malades. J'ai la chance d'avoir des collaborateurs de grand qualité. Tels des pionniers, nous défrichons ensemble des territoires inexplorés de la rééducation neurologique et nous découvrons l'essentiel... de ce qui m'a manqué.
Chance enfin, retraité, de pouvoir exercer des responsabilités à l'APF, où je fonde et anime un groupe de réflexion Ethique et où je trouve des valeurs humaines souvent oubliées.
Aujourd'hui, alors que je suis octogénaire, je fréquente l'hôpital en tant que patient. C'est un double regard que je porte sur la médecine dans « Le Plongeon » celui du patient et celui du médecin, sans exclure des questions aussi délicates que l'annonce du handicap, le suicide, la sexualité...
Ainsi, j'ai vécu la Préhistoire des soins aux blessés médullaires puis contribué à leur Histoire. Et maintenant, ce livre autobiographique est en quelque sorte "la petite histoire parsemée d'anecdotes où l'humour ne manque pas ".