Pape Niang, un musicien "handicapable" qui a du swing

Le musicien et chanteur sénégalais Pape Niang, 58 ans, aveugle, est une des voix du jazz au Sénégal et se définit comme un "handicapable".

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Dakar, 15 mai 2013 (AFP)

Le musicien et chanteur sénégalais Pape Niang, 58 ans, aveugle, est une des voix du jazz au Sénégal et se définit comme un "handicapable". Tout en travaillant sur le quatrième album de sa carrière, il veut venir en aide aux handicapés et rêve d'un duo avec son idole Stevie Wonder.
"Je suis un musicien de jazz, reggae, soul music, blues, salsa... Je joue la batterie, l'harmonica, la tumba, la timbale" et "je chante", dit à l'AFP cet artiste si discret qu'on le connaît à peine à Ouakam, quartier de Dakar où il occupe avec sa famille un modeste appartement en location.
Au Sénégal, Pape Niang enchante son public avec des imitations parfaites de James Brown ou Ray Charles, mais aussi avec ses propres morceaux en anglais, français, espagnol ou wolof, après être passé depuis les années 1970 dans des orchestres mythiques comme le Xalam.

Sa carrière comprend de nombreuses collaborations et trois albums solo :
"Saxal garab" (1986), "Xalel" (1992) et "Djem" (2000).
Il est à l'aise dans divers styles: soul, salsa, variété ou rythmes sénégalais comme le très populaire mbalax, mais sa préférence va au jazz, "la base de toutes les musiques du monde".
Né aveugle en 1955, il a "toujours vécu à Dakar" et a appris les instruments sans fréquenter d'école spécialisée, indique-t-il, s'excusant régulièrement durant l'entretien pour son bégaiement. En cherchant ses mots, il se tapote la cuisse ou met sa main devant sa bouche.
Petit, "je tapais sur tous les objets : chaises, fauteuils, caisses... A 13 ans, j'ai commencé à m'intéresser à la musique. J'ai exercé mon oreille", c'est "un don de Dieu", explique l'artiste, marié, père de quatre enfants et aujourd'hui grand-père.

Son intérêt pour la musique, il le doit à son grand-frère, Ousmane Niang, grand mélomane. "Il avait de ces disques ! Otis Redding, Orchestra Aragon, Fania All Stars, James Brown, Wilson Pickett, Percy Sledge, Stevie Wonder", beaucoup de "grands jazzmen !", se souvient-il.
"C'est ça qui a déclenché ma passion" et "aujourd'hui, je suis un handicapable. J'ai un handicap, mais je suis capable, je ne tends pas la main."

Toucher "le monde entier"

Pourtant, sa carrière de presque 40 ans ponctués de tournées en Europe et de collaborations avec d'autres artistes ne l'ont pas mis à l'abri des difficultés.
"Ici, on ne connaît pas la valeur des vrais musiciens. Pour avoir du succès, il faut faire des choses terre-à-terre", comme les chansons pour nouveaux riches, affirme-t-il. Heureusement, il existe "de grands élomanes. La plupart du temps, ce sont eux qui nous appellent pour des contrats".

Pour gagner sa vie, Pape Niang anime avec son groupe, le Koureul Band, des soirées dans des clubs de jazz dakarois, selon Alpha Diouf, son manager.
De temps en temps, il est invité à des événements musicaux officiels, comme la célébration à Dakar de la journée internationale du jazz, le 30 avril.
Dans ses chansons, Niang rend hommage aux mères, vante la beauté des femmes noires qui gardent leur teint d'ébène ou appelle à prendre soin des handicapés, qui ne sont "pas respectés au Sénégal". Il travaille depuis plusieurs mois sur un projet qu'il a baptisé "Handicapable", dont l'objectif est de former ou soutenir des personnes handicapées.
"On veut faire le lancement officiel le 24 mai" lors d'un concert à Dakar, "mon rêve, c'est qu'aucun handicapé n'aille faire le mendiant. La musique ne m'a rien donné, mais elle peut me permettre de développer des choses en faveur des handicapés qui n'ont pas les mêmes dons que moi."

Autre projet immédiat : "un album international en préparation avec le grand Henri Guillabert", chanteur, musicien, producteur, une autre célébrité de la scène jazz au Sénégal.
"J'aimerais bien que ça touche le monde entier... Il y a des musiciens avec lesquels j'aimerais bien travailler", dont l'Américain Stevie Wonder, également aveugle, dit-il. Un large sourire illuminant son visage, il ajoute :
"Je l'ai rencontré deux fois. Il avait pré-écouté mon album "Saxal garab" avant sa sortie" et "a dit que je faisais partie des chanteurs qui comptent."

cs/stb/cac

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