80 % des personnes en situation de handicap estiment que la diversité des handicaps est mal traitée dans les contenus médiatiques. 77 % considèrent les représentations « stéréotypées », voire « déconnectées du quotidien réel ». Derrière ces chiffres, issus de l'étude Voir, comprendre, inclure, se dessine un malaise persistant : celui d'une communication qui montre (un peu plus) le handicap, mais ne le raconte toujours pas juste. Réalisée par Dentsu, groupe international de communication, en partenariat avec l'Agefiph (fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le privé), cette vaste enquête donne la parole à près de 4 000 personnes concernées. Objectif affiché : « mettre en lumière des signaux encourageants, des zones d'ombre encore importantes, ainsi que des pistes concrètes d'amélioration ».
Une présence encore trop occasionnelle
Dans les faits, le handicap n'est pas absent des écrans, des affiches ou des réseaux sociaux. 88 % des répondants déclarent avoir déjà vu des personnes en situation de handicap dans des campagnes de communication. Mais le plus souvent, cette présence reste ponctuelle : 43 % parlent d'une visibilité « occasionnelle » . Et seules 7 % des personnes interrogées estiment que ces publics sont aujourd'hui suffisamment représentés. La télévision (63 %) et les réseaux sociaux (41 %) concentrent l'essentiel de cette visibilité, avec un pic chez les moins de 35 ans sur les plateformes sociales (58 %).
Toujours les mêmes images, toujours les mêmes clichés
Si la présence progresse, les codes, eux, évoluent lentement. La communication peine encore à sortir de récits formatés, centrés sur quelques figures ou situations emblématiques. Une vision partielle, souvent éloignée de la « vie réelle », qui continue d'alimenter les incompréhensions. Pour Christian Ploton, président de l'Agefiph, le constat est clair : « La représentation et l'accessibilité du handicap dans les médias et les dispositifs numériques ne sont pas encore à la hauteur des enjeux d'inclusion. La communication joue pourtant un rôle essentiel dans l'évolution du regard social. »
Accessibilité : le talon d'Achille de la communication
Autre point noir : l'accessibilité des contenus. Selon les données citées dans l'étude, seulement 2,3 % des publicités sont audio-décrites et 11 % sous-titrées. Côté numérique, moins de 10 % des sites web seraient réellement accessibles aux yeux des personnes concernées. Les conséquences sont concrètes : 45 % des répondants ont déjà renoncé à consulter un contenu ou à participer à un événement faute d'accessibilité, et 37 % à acheter un produit ou un service en raison d'un site ou d'une application non accessibles.
Quand l'inaccessibilité ferme aussi la porte de l'emploi
Ce déficit d'accessibilité ne freine pas seulement l'accès à l'information ou à la culture, il impacte directement l'accès à l'emploi. Près de 4 personnes en situation de handicap sur 10 déclarent avoir déjà renoncé à déposer une candidature parce que le site de l'employeur n'était pas accessible. Un chiffre qui grimpe à 49 % chez les moins de 35 ans. Un paradoxe à l'heure où les entreprises peinent à diversifier leurs équipes, y compris dans les métiers de la communication et du numérique.
Un levier puissant… encore sous-exploité
Critiques, oui. Résignées, non. Une large majorité (84 %) des personnes interrogées continue de voir dans la communication un levier puissant pour faire évoluer les mentalités. Briser les tabous, normaliser la présence des personnes handicapées dans tous les contextes, sensibiliser sans caricaturer : les attentes sont claires. Certaines initiatives « inspirantes » sont notamment mises en lumière : Café Joyeux, Les rencontres du Papotin, DuoDay, les campagnes de la SEEPH, ou encore les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, perçus par 62 % des répondants comme ayant amélioré la perception du handicap.
Inclure autrement : écouter, co-construire, anticiper
Parmi les priorités identifiées, la « consultation systématique des personnes handicapées dans la conception des contenus et des outils digitaux » revient avec insistance. L'étude révèle aussi un fort appétit pour l'innovation et les nouvelles technologies, à condition qu'elles soient pensées comme des leviers d'inclusion. Beaucoup appellent à ne pas reproduire, avec l'intelligence artificielle, les erreurs du passé. L'enjeu : penser l'inclusion en amont, et non comme un correctif. « Puisque l'IA, c'est tout nouveau, il faut dès le départ lui donner de l'importance dans l'aide à apporter aux personnes en situation de handicap », souligne un répondant.
Changer de pratiques, pas seulement de discours
Côté entreprises et agences, les intentions existent, mais les freins restent nombreux : manque de connaissances, peur de « mal faire », déficit de compétences ou de conseils. Pourtant, le message est clair. « Les personnes en situation de handicap veulent être visibles, mieux représentées et consultées : c'est un appel à transformer nos pratiques, affirme Christian Coquart, directeur RSE de Dentsu France. L'accessibilité est un levier créatif et un moteur d'impact pour les marques. À nous, agences, d'en faire un standard. » Pour Christian Ploton, l'engagement doit être collectif : « Il est urgent que les organisations, publiques comme privées, intègrent pleinement cette dimension dans leurs pratiques. »
Un enjeu de transformation globale
En filigrane, l'étude rappelle que « l'inclusion du handicap dans la communication n'est pas seulement une question de visibilité mais un enjeu de transformation globale : culturel, organisationnel et sociétal ». À l'heure où les attentes sont clairement exprimées et les solutions identifiées, les marques et les médias sauront-ils passer de l'intention à l'action, pour que le handicap cesse enfin d'être un sujet à part et devienne une composante évidente du récit collectif ?
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