Passage de l'enfance à l'adulte pour les grands handicapés

A 27 ans, Romain tranche avec les enfants du service de pédiatrie où il vit depuis un accident de la circulation qui l'a laissé lourdement handicapé, il y a 24 ans. A la fin du mois, il doit rejoindre le centre pour adultes, tout juste ouvert.

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FRANCHEVILLE (France / Rhône), 21 mai 2013 (AFP) -
"Cela fait longtemps que je pense à ce moment, depuis qu'il a 12-13 ans, en me disant "Que va-t-il se passer quand il aura 18 ans?", explique à son côté sa mère, Christine Magis. L'histoire de son fils illustre le douloureux passage de l'enfance à l'âge adulte pour les jeunes très handicapés.
L'établissement de soins de suite pédiatrique La Maisonnée, situé à Francheville, sur les hauteurs de Lyon, a obtenu une dérogation pour garder Romain, ainsi que son compagnon de chambre, Patrick, 23 ans, comme lui tétraplégique et sous assistance respiratoire.
Patrick vient d'être transféré de ce centre spécialisé dans l'accueil des enfants sous assistance respiratoire vers l'établissement Violette Germain voisin, une Maison d'accueil spécialisée (MAS, pour les handicapés lourds).
Il a ouvert fin 2012 après des années de militantisme des responsables de La Maisonnée, relayés par l'association Romain créée par Mme Magis, alarmés du manque de structures pour accueillir les handicapés adultes sous assistance respiratoire.

Déficit dans l'accompagnement
L'Association des Paralysés de France (APF) dénonce plus largement un "déficit dans l'accompagnement" des jeunes en âge de quitter les structures pour enfants, tant en termes de places en MAS que d'aide aux familles tentées par un choix alternatif comme un retour à la maison.
"Entre 16 et 18 ans, il y a une rupture dans le parcours de vie et de soins", déplore Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'APF, interrogé par l'AFP.
Un programme national "pour un accompagnement adapté du handicap tout au long de la vie" prévoyait la création de 4.550 nouvelles places en MAS entre 2008 et 2012. Or, fin 2011, seules 1.764 étaient effectivement ouvertes, selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
"Avant, à l'âge de 18 ans, on faisait entrer les gens soit en gériatrie, soit en psychiatrie. Nous, on a toujours refusé", explique André Stagnara, kinésithérapeute à la Maisonnée, très engagé dans ce dossier.

Des demandes en gériatrie pour des gens de 40 ans
Encore aujourd'hui, "en gériatrie, ils ont des demandes pour des gens de 40 ans", dénonce-t-il.
"On a repris Romain à la maison le week-end quand il était petit, maintenant il est trop lourd physiquement", témoigne Mme Magis, rassurée de voir que le transfert de Patrick dans la structure pour adultes s'est "bien passé".
Mais dans cette chambre où reste accroché un ourson brodé au point de croix, elle évoque son "angoisse de la suite".
Car, même si Romain est trop handicapé pour suivre les leçons de l'instituteur de la Maisonnée, l'atmosphère enfantine qui y règne est rassurante, avec ses après-midi animés par les Docteurs clowns.
"C'est beaucoup plus cocoonant en pédiatrie. Ici, Romain et Patrick basculent dans un monde d'adultes, un univers très différent", explique Julie Bouchek, infirmière à la Mas Violette Germain, tout en surveillant l'assistance respiratoire de Patrick.
"Beaucoup de parents ont du mal à accepter que leur enfant handicapé a grandi. Certains leur apportent toujours des peluches ou des chansons enfantines, alors que leurs demandes ont évolué", ajoute-t-elle.
Ici, même si le personnel est moins nombreux que dans la structure pour enfants, les animateurs proposent séance de fléchettes ou création de masques, pour les pensionnaires les plus valides. Des bénévoles, accompagnés de "chiens-visiteurs", viennent faire la lecture aux pensionnaires, âgés de 40 ans en moyenne.
Pour d'autres parents d'adolescents très handicapés, les projeter dans l'âge adulte est trop douloureux.
"On vit au jour le jour. L'après, on n'y pense pas trop", confie la mère de Léonie, 15 ans, à La Maisonnée depuis 2010, rendue paralysée et quasi-aveugle par une tumeur au cerveau.
"La projection de son enfant à 25 ans, c'est très dur", explique le pédiatre Thierry David, de La Maisonnée.
"Tant que l'on est dans le monde de la pédiatrie, c'est plus fort que le handicap", mais l'âge adulte "pérennise" celui-ci, conclut le médecin.
dth/but/ed

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