- Pourquoi n'y a-t-il pas de handicapés au collège?- : des élèves s'interrogent
Par Isabel MALSANG
PARIS, 3 fév (AFP) -
Ce vendredi-là, en sortant d'une séance de sensibilisation aux problèmes de la vie quotidienne des handicapés organisée par son collège, les enfants de la classe de Lisa sont révoltés: "S'il y avait un handicapé avec nous, ce serait mieux", dit Souleimane, 12 ans. "Moi je pourrais l'aider, et en échange, j'aurais un copain de plus", imagine-t-il.
Leur soudain enthousiasme pour un sujet dont ils ignoraient tout une heure auparavant doit tout au talent d'Isabelle Dolle, hémiplégique, Annie Jezequel, aveugle, ou encore Daniel Urbejtel, père d'un enfant trisomique, qui sont venus se mettre en scène et à disposition d'enfants dits "normaux" pour répondre à leurs rafales de questions sur le handicap.
"Notre objectif n'est pas de faire un exposé savant. Au contraire, nous attendons les questions et nous dialoguons. L'essentiel est que la prise de conscience vienne d'eux" explique Marie-France Buffière, responsable de
"Enfance et handicap" qui organise ces rencontres dans les établissements scolaires grâce à 250 intervenants dans toute l'Ile-de-France.
Devant les élèves, Isabelle Dolle fait une vraie démonstration de pédagogie même si elle n'a pas fait beaucoup d'études: un vrai "show", ni larmoyant, ni revanchard. Elle explique simplement sa vie quotidienne. Montre son bras droit paralysé et sa démarche claudicante.
Les questions fusent. Comment portiez-vous vos enfants lorsqu'ils étaient bébés avec une seule main? Comment attachez-vous vos lacets? Au lieu de répondre, elle fait venir Samir, le plus grand de la classe. Et le met au défi de nouer ses baskets délacées, avec une seule main. L'adolescent, concentré, tente l'opération. Mais renonce. Impossible.
Isabelle montre alors à toute la classe comment elle a imaginé son système à elle pour y arriver. Puis, elle enchaîne sur une démonstration de tricot.
Les bouches se délient. "Moi je connais une fille sourde et muette", tente une petite fille au premier rang. "Est-ce que la tuberculose est un handicap?", hasarde un autre. "Moi je connais une petite fille qui a huit ans et se comporte comme si elle en avait quatre", avance un troisième.
Toutes les questions sont permises: "Est-ce que vous faites des rêves et qu'est-ce que vous voyez?" demande une petite fille à Annie, aveugle, qui répond qu'elle "voit" dans ses rêves ce qu'elle "entend" dans la journée.
Evénement rarissime, lorsque la cloche sonne, personne ne se lève. Tous les élèves restent vissés à leur chaise. Soudain, ils ont compris qu'"ils" ne sont pas si différents des handicapés.
"C'est une récompense pour moi de parler avec vous" leur dit Isabelle. "Car quand j'étais petite personne ne m'a parlé, et j'ai dû me débrouiller toute seule".
En sortant, Dounia a compris le message: "je vais mieux discuter avec ma petite voisine trisomique. Avant je me repoussais quand elle venait vers moi", dit-elle.
Lundi, le ministre de l'Education nationale Luc Ferry a reconnu à Rennes que l'intégration scolaire des handicapés, notamment en collège, restait une "catastrophe", même si ce dossier a été érigé au premier plan des priorités du
président de la République Jacques Chirac.
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