Accessibilité des sites internet: BrailleNet dresse un bilan négatif
Pour les personnes aveugles et malvoyantes, Internet pourrait être le moyen d'accéder à des informations inaccessibles habituellement. Ce n'est pas le cas...
Le problème, mis en lumière par l'association BrailleNet, réside dans l'inadaptation des sites aux standards de programmation qui permettraient à ces internautes de naviguer sur le web. Pour faire progresser l'accessibilité, BrailleNet a réalisé une étude évaluant trente sites Web utilisés dans la vie quotidienne. Le constat est malheureusement sans appel : les règles essentielles de l'accessibilité ne sont respectées par aucun d'entre eux (le JDN, qui ne faisait pas partie de l'échantillon étudié, n'aurait cependant pas fait exception...).
BrailleNet a pour objectif d'encourager le développement des technologies permettant une meilleure intégration des malvoyants dans trois domaines : l'information, la culture et l'éducation. Internet est au centre des efforts de l'association, qui uvre depuis sa création, en 1997, pour une meilleure accessibilité du web. Ses travaux sont menés en étroite collaboration avec la cellule WAI (Web Accessibility Initiative) du W3C, le consortium chargé d'émettre des recommandations internationales en matière de standards web. Un site web développé en respectant à 100% les recommandations de WAI serait parfaitement accessible à toute personne aveugle, équipée d'une aide matérielle (clavier braille) et logicielle (synthèse vocale) adaptées.
Pour son étude, BrailleNet a sélectionné trente sites couvrant dix-huit domaines de la vie quotidienne. Le panel va des Pages Jaunes à la Fnac, en passant par Google. Tous ces sites ont été testés par la plate-forme d'évaluation mise au point par un laboratoire de recherche irlandais, membre comme BrailleNet du projet Euro Accessibility (un consortium réunissant vingt-trois organisations issues de douze pays, qui travaillent sur l'accessibilité du Web). Les critères d'analyse sont issus de WAI, ainsi que du label Accessiweb, créé par BrailleNet.
Sur les trente sites, seuls vingt-sept ont pu être évalués, les trois autres (Allocine, SNCF, Theatreonline) n'ayant même pas passé le premier stade de l'analyse. Aucun n'atteint ne serait-ce que le niveau minimum de conformité des labels existant. "Nous nous attendions à de mauvais résultats, lâche Pierre Guillou, responsable de la Cellule Accessibilité du Web chez BrailleNet. Mais nous voulions voir quels critères n'étaient pas respectés. En fait, même les points principaux de l'accessibilité ne sont pas pris en considération."
Parmi les défauts relevés, aucun des sites ne respecte la règle essentielle de l'accessibilité, à savoir donner à chaque image significative une alternative texte. Autre échec, 89% des sites décrivent de la même façon des liens hypertextes qui pointent vers des destinations différentes, ce qui empêche les personnes aveugles de se repérer dans le site. Et encore, ce n'est qu'un moindre mal par rapport à l'impossibilité totale de naviguer qu'entraînent les scripts exécutables uniquement avec la souris, présents sur 78% des sites.
Ces sites ne sont pas des exceptions. Depuis sa création, le label Accessiweb n'a été distribué qu'à trois sites. Et pour cause : "Les sites qui demandent la labellisation sont très rares, explique Pierre Guillou. Pour faire avancer les choses, il faudrait leur forcer la main." En réformant la loi, par exemple. Un premier pas a déjà été franchi dans cette direction pour les services publics, puisque le Comité Interministériel pour la Société de l'Information (CISI) a fait passer en juillet 2003 une mesure pour rendre accessibles les sites de l'administration. En Allemagne, l'accessibilité des sites publics est d'ores et déjà inscrite dans la loi.
De son côté, BrailleNet s'engage à faire évoluer la situation en développant des actions autour de quatre grands axes : la formation des développeurs, la sensibilisation des pouvoirs publics et de la société civile, la mise en place d'un groupe de travail au niveau national, et enfin la labellisation.
[Raphaële Karayan, JDNet]