Je me souviens, c'était il y a 21 ans, à Beyrouth. J'étais assis dans une cour d'école, celle du centre Lily de la Fondation Al-Kaafat, détruit et reconstruit quatorze fois durant la guerre civile qui déchira le Liban. A ma droite, se tenait mon ami Raïf Shwayri, le directeur général de la fondation. Nous regardions les jeunes écoliers s'amuser, s'interpeller, jouer. Certains étaient en situation de handicap, physique ou mental, d'autres non. Ces enfants d'une dizaine d'années avaient, depuis bien longtemps, appris à vivre sans que la différence ne soit un problème, appris à s'entraider, appris à apprendre de l'autre. L'équipe d'enseignants et d'aides humaines dirigeait cette tribu d'une main de maître, ferme et douce à la fois. J'avais dit à Raïf que la cour d'école du centre Lily était à montrer partout car elle était un symbole, celui d'une inclusion, ou plutôt du "vivre ensemble " réussis malgré les difficultés d'un pays ravagé par des décennies de conflits dont ces jeunes étaient les premières victimes. Et nous savons tous que tout commence à l'école pour prendre en compte les différences, particulièrement celles liées aux handicaps…
Vous avez certainement vu les films cultes Star Wars, et la fameuse scène de l'opus 4, A new hope, dans ce bar où les consommateurs ont des têtes et des physiques pas possibles car ils viennent de toutes les planètes de la galaxie. Forcément, ils sont tous différents. Curieusement, cela n'a choqué aucun téléspectateur, c'est évident après tout, la différence est la norme dans Stars Wars. Il n'est pas nécessaire de parler d'inclusion. Nous aussi, humains, sommes tous différents !
Est-ce que l'inclusion vue par le prisme du handicap va changer la Cité ? Il y a environ trente ans, l'« accessibilité » est devenue un enjeu, et des lois ont été votées (par exemple celle du 13 juillet 1991). Il fallait enfin permettre aux personnes handicapées de participer à la vie en société en rendant accessibles le bâti, l'école, les services, l'entreprise… Chose encore imparfaite aujourd'hui. La compréhension de ce mot a d'abord été réduite aux questions de handicap, limitant son impact, comme si elle était dédiée uniquement aux personnes concernées, alors que nous savons tous que l'accessibilité offre un bénéfice à l'ensemble de la société. Alors, pour être plus explicite, le concept « d'accessibilité universelle » a pris le relais.
Le mot « Inclusion », dont l'utilisation commence à être galvaudée, parfois pour servir un enjeu sociétal, politique ou communautaire, ne risque-t-il pas d'occulter l'essentiel de notre société ? Celle d'une République française dont les principes de liberté, égalité, fraternité ne sont pas là pour inclure, c'est-à-dire mettre « au milieu de », mais pour permettre de « vivre ensemble » comme dans la cour d'école du centre Lily de Beyrouth. C'est pour atteindre cet objectif que les personnes en situation de handicap, les associations et les familles militent depuis toujours. C'est la voie à suivre. Alors, d'accord pour une société inclusive, c'est-à-dire qui met fin à l'exclusion de groupes de personnes en fonction de leurs différences, mais oeuvrons tous pour une société du « vivre ensemble », dans un esprit d'harmonie et d'échange dans le cadre de notre citoyenneté républicaine laïque, ouverte à toutes et tous.
Toute l'équipe d'Handicap.fr se joint à moi pour vous souhaiter une excellente année 2022.
Gilles Barbier, fondateur-directeur
© Gaëlle Merceron
En 2022, décidons de "vivre ensemble" pour de bon !
Belle année 2022 à vous, fidèles lecteurs de Handicap.fr. Merci à tous nos partenaires, à l'équipe et à tous ceux qui nous font confiance. Faisons de cette nouvelle année celle du "vivre ensemble", bien plus crucial que la seule "inclusion".