« On m'a déjà prise pour une folle », « Ado, je me réfugiais dans les toilettes pour ne pas entendre les moqueries des autres », « Plus de permis de conduire, plus de boulot... », « Malgré un bac + 5, je suis en invalidité, sans travail »... « Entendez-nous ! », exhortent les 650 000 Français épileptiques, exaspérés de se sentir invisibles et rarement entendus. En octobre 2021, ils publient, avec l'association Epilepsie France, un manifeste (en lien ci-dessous) pour améliorer la reconnaissance de la deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente derrière la migraine, dans lequel ils expriment leur colère. Un « coup de gueule » de 12 pages pour interpeller les instances gouvernementales sur cet enjeu de santé majeur, qui peut accentuer le risque de dépression, de chômage et les difficultés d'apprentissage... et être enfin « pris au sérieux ».
Insuffisance de moyens
« L'épilepsie frappe à n'importe quel âge, bouleversant nos projets de vie, brisant nos rêves, reléguant certaines de nos aspirations au rang des espoirs déçus. Elle nous prive de notre liberté de mouvement, de l'accès à certains emplois, nous écarte d'activités sportives et sociales, fait le tri dans notre entourage », déplorent les personnes concernées. Depuis plusieurs années, Epilepsie France et l'ensemble des acteurs de la communauté réunis sous la bannière du Comité national dédié (CNE) dénoncent « l'insuffisance criante des moyens accordés à sa prise en charge » et réclament aux autorités une stratégie nationale et des mesures concrètes. Si certaines avancées ont pu être constatées ces dernières années, « cela reste très en-deçà des besoins réels », déplorent-ils.
Manque de sensibilisation...
Constamment, les malades et leurs aidants doivent expliquer l'épilepsie et justifier la réalité de leurs besoins pour obtenir les aménagements liés à leur handicap, suivre une scolarité, trouver un emploi ou s'y maintenir, avoir une place dans un établissement adapté, obtenir des prestations sociales... La méconnaissance du grand public, des médias et des institutions constitue notamment un frein majeur, de même que le tabou qui entoure encore l'épilepsie isole et fragilise un peu plus les personnes atteintes. « Ce sont autant de violences supplémentaires qui s'ajoutent à leur combat quotidien contre cette maladie sournoise », explique le manifeste en préambule.
... et de formation
Sournoise et imprévisible... L'épilepsie se caractérise par la répétition de crises spontanées, dues à une activité cérébrale intense, entraînant notamment une perturbation temporaire de la communication entre les neurones. Si la génétique est responsable dans 10 à 15 % des cas, il est impossible de déterminer la cause exacte dans plus de 60 % d'entre eux. Chaque jour, 110 Français ont une première crise. Contrairement aux idées reçues, elles ne s'accompagnement pas toujours de convulsions et peuvent, par exemple, provoquer des hallucinations olfactives ou auditives sans perte de conscience. « A cela s'ajoutent les accès de fatigue, les pertes de mémoire, la difficulté à rester concentré, qui nous font passer pour des paresseux ou des simulateurs. Peut-être connaissez-vous une personne plus lente que les autres, dont on dit volontiers qu'elle est tout le temps dans la lune ? Ça peut être aussi ça l'épilepsie », expliquent ceux qui se « sentent tout aussi invisibles que leur maladie ne l'est aux yeux du monde ». « Les symptômes de l'épilepsie sont insuffisamment reconnus par les professionnels de santé, dénonce le Pr Fabrice Bartolomei, chef du service d'épileptologie et rythmologie cérébrale de l'hôpital de la Timone, à Marseille. Leur formation à l'épilepsie ne correspond pas à une maladie qui s'exprime sous des formes très variées, parfois complexes. » C'est d'ailleurs une cause fréquente d'erreurs ou de retards de diagnostic, qui concerne plus de 10 % des patients. Il existe 50 syndromes épileptiques, qui compliquent encore un peu plus le diagnostic.
Une campagne de sensibilisation et un livre blanc
Pour les mettre en lumière, Epilepsie France mène une grande campagne de sensibilisation à destination du grand public et des médias, durant un an à compter d'octobre 2021. Elle est déclinée autour de six thèmes identifiés comme les préoccupations majeures des patients. En parallèle, l'association élabore un manifeste afin de dresser un état des lieux de la prise en charge de l'épilepsie en France, nourri de constats sur le terrain, d'auditions d'experts, d'expériences réussies ou innovantes en France comme à l'étranger. Ce document sera publié en octobre 2022 à l'occasion du 2e Sommet national de l'épilepsie et aboutira à la formulation de propositions destinées à améliorer de façon pérenne la qualité de vie des patients. « Il est temps de mettre les épilepsies au même rang que les autres maladies neurologiques ! », conclut le Pr Fabrice Bartolomei.