Troubles de l'équilibre et cognitifs, mouvements brusques, imprévisibles et involontaires des quatre membres... Les symptômes de la maladie de Huntington se manifestent généralement entre 30 et 50 ans puis s'aggravent progressivement. Le responsable ? Le gène codant pour une protéine nommée « huntingtine », essentielle au bon fonctionnement des neurones. Cette pathologie rare se déclenchant tardivement, les conséquences de cette mutation sur le neurodéveloppement pré et postnatal avait été, jusqu'alors, peu étudiée... Cette époque est désormais révolue. Le 22 septembre 2022, des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale)* ont mis en évidence l'impact de la maladie sur la qualité de la transmission nerveuse dans certains neurones très tôt après la naissance, avec des effets anatomiques et comportementaux. Cette découverte inédite, publiée dans la revue scientifique Science, ouvre de nouvelles pistes de recherches sur la prise en charge thérapeutique des 18 000 Français concernés par cette maladie incurable.
Altération de la transmission nerveuse
C'est Sandrine Humbert, directrice de recherche Inserm, et son équipe qui, en 2020, révéla l'impact des anomalies cérébrales dans des cerveaux d'embryons humains porteurs de la mutation responsable de cette pathologie génétique rare. « Plusieurs fonctions régulées par l'activité neuronale apparaissaient impactées, suggérant une altération de la transmission nerveuse », explique-t-elle. Face à ce constat, elle s'est intéressée à la mise en place des circuits neuronaux et aux comportements cognitifs et sensori-moteurs chez des souriceaux modèles de la maladie de Huntington. Les chercheurs ont alors observé différentes altérations : « les neurones pyramidaux de leur cortex cérébral présentaient des défauts morphologiques et de transmission synaptique, associés à des altérations du comportement ». Mais, après 21 jours de vie, ils retrouvaient une physiologie et une morphologie « apparemment similaires à celles des souris saines ». « Pour autant ces compensations ne fonctionneraient qu'un temps puisqu'à partir de quatre à cinq semaines, les souris développent certains signes de la maladie », souligne la chercheuse.
Le CX516, booster d'activité neuronale
Les scientifiques ont ensuite émis l'hypothèse qu'une restauration des défauts transitoires observés au cours de la première semaine de vie pourrait influencer l'apparition de la maladie à l'âge adulte. Pour la vérifier, ils ont utilisé une molécule thérapeutique de la classe des ampakines (connus pour augmenter la capacité d'attention et de vigilance mais aussi pour faciliter l'apprentissage et la mémoire), le CX516 qui vise à faciliter la transmission nerveuse. Bingo ! Ce traitement néonatal a permis de restaurer l'activité neuronale et les capacités cognitives et sensori-motrices des souriceaux et, surtout, les a empêchés de développer les signes caractéristiques de la maladie à l'âge adulte.
Approfondir la recherche sur le développement cérébral
« Si ces résultats obtenus chez l'animal plaident en faveur d'un traitement précoce des personnes touchées par la maladie de Huntington, ils invitent également à approfondir la compréhension du développement cérébral dans le contexte de cette pathologie », exhorte l'Inserm. Ils appellent aussi, selon lui, à découvrir les liens entre les anomalies causées par la maladie et les mécanismes compensatoires mis en place par l'organisme avant l'apparition des symptômes.
Un autre traitement prometteur ?
L'Inserm n'en est pas à son coup d'essai pour tenter de combattre la maladie de Huntington. En avril 2021, des chercheurs avaient testé la molécule thérapeutique ML348 sur des souris pour « protéger le cerveau de la mort neuronale », obtenant des résultats « prometteurs » tels que la réduction de troubles comportementaux, moteurs et psychiques (article complet en lien ci-dessous). Prochaine étape ? Les essais précliniques destinés à « évaluer sur des modèles cellulaires et animaux le comportement de la molécule dans l'organisme, sa sécurité d'emploi ou encore à identifier les doses efficaces ». Pour rappel, si les traitements proposés actuellement sont symptomatiques et soulagent certains troubles, ils ne permettent pas de modifier le cours de la maladie. Est-ce bientôt en passe de changer ?
* et de l'Université Grenoble Alpes, au sein du Grenoble institut des neurosciences