Une page se tourne. Marcel Nuss quitte la présidence de l'Appas, association qu'il a créée afin de militer en faveur de l'accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap. Il démissionne, souhaitant céder sa place « à une nouvelle équipe et une nouvelle dynamique ». Même s'il en tire un bilan « positif », il livre les mots d'un homme lassé par le milieu associatif, un peu usé par 20 ans passés sur le front. Son propos est âpre…
Au cœur de la polémique
Il affirme avoir « tout donné » pendant des années pour que soit un jour reconnu l'accompagnement sexuel. Il a tout encaissé… Un engagement à temps plein, particulièrement chronophage, les limites du bénévolat qui se heurte aux « susceptibilités des uns et des autres », un « turn-over régulier et décourageant ». Durant six ans, l'Appas a bravé la justice, fait face aux remous, aux polémiques, parfois violentes, notamment des anti-prostitution, des « associations profondément hypocrites et lâches », selon Marcel Nuss, à l'inertie des politiques qui « se voilent courageusement la face ». « Elle est en effet l'unique association à oser être en infraction avec la loi sur le proxénétisme, en mettant en relation, en toute transparence -nous disons ce que nous faisons et nous l'assumons-, des accompagnants sexuels et des personnes en situation de handicap », explique-t-il. En mars 2015, en dépit des controverses, l'Appas obtient en référé la reconnaissance officielle de sa formation. Plus de soixante personnes ont ainsi été formées à l'accompagnement sexuel pour répondre aux 1 800 demandes reçues de personnes handicapées, débouchant sur 500 mises en relation.
Question taboue
Ce travail colossal et pionnier a permis à cette question éminemment taboue d'émerger dans les medias -que Marcel remercie de s'être mouillés-, mais aussi, plus timidement, dans le débat sociétal et politique. Un engagement payant selon Marcel Nuss qui constate, à sa grande satisfaction, que « de plus en plus d'associations et de foyers de vie nous sollicitent, pour des formations mais aussi des mises en relation à l'intérieur de l'établissement, chose impensable auparavant ! ». Pour aller plus loin dans cette démarche, des négociations sont en cours avec une grande école de formation en vue d'un partenariat qui devrait voir le jour à la rentrée 2020. Derrière les victoires, il y a aussi des regrets… Tout d'abord celui de n'avoir jamais reçu ni soutien financier ni subventions ni sponsor.
Un milieu où tout est dû
« Mais le plus grand, c'est de m'être heurté au manque d'adhérents, alors même que c'est le nerf de la guerre pour une association qui ne vit et ne peut se développer sans eux », déplore Marcel Nuss. Sur près de 2 000 personnes en situation de handicap qui ont fait une demande d'accompagnement sexuel depuis 2015, seules 15 % ont adhéré alors que l'adhésion n'est que de 10 euros par an. Pas davantage de « remerciements » ! « Est-ce surprenant ? Non, poursuit-il. Pas dans ce milieu où règne l'assistanat et où, pour beaucoup, tout est dû. » C'est oublier que, sans ce soutien, l'Appas risque de péricliter, entraînant, de fait, la question de l'accompagnement sexuel en France dans l'oubli et réduisant à néant les chances de le voir un jour reconnu légalement. Avant de tirer sa révérence en tant que président -il reste malgré tout dans le conseil d'administration et poursuivra les formations, la sensibilisation et les conférences-, Marcel lance un dernier appel : « J'invite les personnes handicapées, même si elles ne bénéficient pas pour le moment d'un accompagnement sexuel, par manque d'accompagnant(e) dans leur secteur, les accompagnant(e)s sexuel(le) et bien d'autres à rejoindre notre association (en lien ci-dessous) ».
Ne pas se complaire dans son handicap
« L'existence m'a appris que la vie n'est pas une question de chance ou de malchance, ni une fatalité comme je l'entends souvent, hélas, mais qu'elle est ce qu'on en fait, avec les moyens qu'on se donne. Brandir son handicap, son AAH (allocation adulte handicapé), la faute à pas de chance ou que sais-je d'autre, est une erreur fatale. Car, handicapé ou non, personne ne peut avoir tout ce qu'il veut dans la vie ; croire le contraire est une illusion dévastatrice. Rien n'est pire à mes yeux que de se complaire dans son handicap. », conclut celui qui se bat depuis 40 ans en faveur de l'autonomie des personnes handicapées. Fort d'avancées irréfutables et majeures, il passe le relais à ceux qui voudront -ils ne sont pas nombreux à se presser au portillon-, laissant le soin à la relève de « revendiquer ses droits et de se soulever contre les injustices ». Celui qui se dit « heureux d'avoir osé » espère avoir fait naître des vocations et apporté un peu de courage…
La deuxième formation 2019 à l'accompagnement sexuel, réunissant 11 stagiaires, aura lieu du 18 au 21 septembre, à Castelnau-le-Lez (Hérault).