Effrayante, la schizophrénie ? Peu handicapante, la dépression chronique ? Ces affirmations alimentent encore trop de préjugés sur les troubles psychiques, véritables handicaps invisibles. Comment favoriser l'intégration sociale des personnes qui en souffrent et leur garantir un soutien de qualité ? L'Observatoire national des aides humaines, porté par Handéo, publie une étude sur les besoins d'accompagnement et les freins à un système d'intervention adapté.
Quels troubles psychiques ?
En Alsace, en Aquitaine et dans le Limousin, six services d'aide à domicile sont au centre de l'enquête. Ses auteurs entendent par « handicap psychique » tout trouble nécessitant un suivi médical régulier, mettant en cause les capacités cognitives et induisant des interactions sociales difficiles, voire un isolement total. La bipolarité, la dépression sévère et la schizophrénie figurent parmi les cas étudiés. « Les troubles du spectre autistique ou les syndromes tels qu'Alzheimer n'ont pas été pris en compte, même s'ils peuvent être associés », précise Cyril Desjeux, directeur de l'Observatoire.
Intervenir à deux
Pour Roselyne Touroude, membre du Comité d'orientation d'Handéo, les auxiliaires de vie « peuvent contribuer très efficacement à retrouver une meilleure estime de soi ainsi qu'à renforcer les liens sociaux. » Pour ces raisons, l'accompagnement est à réformer, selon le rapport. Comment ? En adaptant au mieux les formations d'aide à domicile. Les observateurs préconisent entre autres un système d'interventions en binômes : « Ce système permet de faire intervenir un aidant connu de la personne en cas de remplacement et d'éviter les situations imprévues, qui peuvent provoquer de la tension ou de l'anxiété », ajoute M. Desjeux.
Des formations plus spécifiques
L'Observatoire estime que le personnel aidant doit également avoir une connaissance aiguisée du handicap psychique afin d'éviter les mauvaises interprétations face à certains comportements. « Une fatigue extrême pourra passer pour de la paresse alors qu'il s'agira des effets secondaires d'un traitement, poursuit le directeur. Surtout, il est primordial d'écouter les envies de la personne et de stimuler ses capacités. Même si elle est en possession de toutes ses capacités physiques, elle ne veut pas forcément les utiliser. Le rôle de l'aidant est de lui redonner le goût de faire les choses. »
Un grand besoin de flexibilité
Parce que la plupart des troubles psychiques sont évolutifs, les plans d'accompagnement doivent pouvoir s'adapter en termes de volumes horaires. Cyril Desjeux juge important que ceux-ci ne soient pas figés. « Nous parlons de maladies fluctuantes. Celles-ci nécessitent un accompagnement plus ou moins intense selon les périodes, affirme-t-il. Après une hospitalisation par exemple, il faudra préparer le retour au domicile. À d'autres périodes, le plan d'aide pourra être allégé. »
La PCH trop difficile d'accès
Les résultats du rapport sont on ne peut plus clairs : formations plus spécialisées, volumes horaires flexibles, mises en pratique permettant d'apporter un réel mieux-être. Le principal frein à ce type d'accompagnement ? La reconnaissance du handicap lui-même ! « Pour obtenir la Prestation de compensation du handicap (PCH), les questions posées concernent surtout les capacités physiques et motrices d'une personne. Il est encore très difficile de prouver qu'on souffre d'un trouble psychique, qui est un handicap à part entière », regrette M. Desjeux. Le chemin de la reconnaissance reste encore long. Si les plans d'aide à domicile méritent des améliorations, le premier pas vers un réel processus de soin passe surtout par une modification du regard porté sur les troubles psychiques.
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