H.fr : L'accessibilité, c'est un engagement universel, tout comme les auberges de jeunesse. Y-a-t-il, dans ce domaine, une politique commune à tous les pays ?
EAB : Chaque association nationale pilote l'accessibilité de ses auberges à l'aune de sa politique et de ses critères propres. Dans les pays scandinaves, par exemple, elles sont accessibles depuis longtemps. Mais HI a voté, en 2010, une nouvelle charte environnementale qui s'est appuyée sur les critères définis par l'ONU. Cela suppose des engagements sociaux, comme le respect des populations ou des salariés locaux mais cela prend aussi en compte les besoins des voyageurs handicapés.
H.fr : Et les auberges françaises, où en sont-elles ?
EAB : En France, c'est entré progressivement dans les mœurs mais les acteurs de terrain semblent avoir enfin compris que lorsqu'on rénove ou crée une auberge, il faut obligatoirement qu'elle soit 100 % accessible. Un récent groupe de travail a défini les valeurs clés de la FUAJ et, parmi elles, l'accessibilité et l'inclusion qui offrent la liberté de voyager à tous les publics en situation d'exclusion. Des actions pérennes sont venues concrétiser cet idéal.
H.fr : Comme en tant qu'ERP (Etablissements recevant du public), les auberges sont soumises à l'obligation d'accessibilité….
EAB : Oui et nous avons réalisé tous les diagnostics à temps et évalué sur le plan financier les coûts d'une opération de mise aux normes. Nous avons lancé un plan d'action stratégique en 2011, sur 5 objectifs globaux, qui a notamment renforcé la politique de labélisation « Tourisme et handicap » de nos établissements. Aujourd'hui, nous nous appuyons sur l'expertise de cette association car elle maîtrise parfaitement les enjeux, aussi bien en termes de tourisme que d'accessibilité.
H.fr : Mais cette mise aux normes en respectant le 100 % accessible oblige parfois à faire des choix radicaux…
EAB : Oui, comme revendre des bâtiments anciens dans lesquels il faut installer un ascenseur. Dans le Jura, par exemple, de tels aménagements nous contraignaient à diminuer notre capacité d'accueil de quasiment vingt lits (sur un total de cinquante), ce qui ne permettait plus à l'auberge d'être rentable. Sans compter les travaux estimés à 300 000 euros ! Pas d'autre choix que de réduire la voilure ; il y a eu d'autres cas comme celui-là.
H.fr : L'accessibilité totale, ce n'est donc pas pour 2015 ?
EAB : Je ne vais pas mentir, l'accessibilité de toutes nos auberges, soit 10 000 lits, ne sera pas réalisée. A ce jour, sur les 110 auberges du réseau, 40 peuvent accueillir les personnes à mobilité réduite. Pour le moment, nous n'avons que 3 auberges labellisées « Tourisme et handicap ». Mais 23 de nos établissements en France sont référencés sur le site handistrict.com qui détaille leur niveau d'accessibilité. Il y a plusieurs années, la FUAJ a collaboré avec l'APF (Association des paralysés de France) et de longs échanges ont souvent permis de trouver des solutions ponctuelles. Les problèmes d'accessibilité, je connais car j'ai dû pousser le fauteuil de ma propre maman pendant les 10 dernières années de sa vie.
H.fr : Tout le monde pense handicap = fauteuil mais il y en a bien d'autres…
EAB : Oui, que nous prenons également en compte. A l'auberge de Marseille, par exemple, labélisée pour le handicap mental et auditif, le directeur et le personnel ont été formés à la langue des signes. Le premier groupe de personnes sourdes qu'ils ont accueillis a donné lieu à un échange extraordinaire. Il y a eu pas mal de champs d'incompréhension et c'était très drôle d'après ce que m'a rapporté le directeur. Nos auberges accueillent également très régulièrement des groupes, notamment des travailleurs d'ESAT, ayant un handicap mental. A Sète, durant les deux mois d'été, l'auberge prône cette mixité. Le brassage social, la tolérance et le respect de la différence, c'est vraiment notre credo !
H.fr : Vous avez désormais une auberge emblématique, ouverte en mai 2013 à Paris ?
EAB : Oui, l'auberge Yves Robert, près de la Gare du Nord. 100% éco durable, avec 330 lits et 103 chambres, elle propose toutes les adaptations nécessaires. Pour le handicap visuel : des bandes sonores et podotactiles au sol, des écritures en braille, des plans multi-sensoriels à chaque étage. Pour le handicap moteur : des sanitaires à usage commun, 5 chambres et 12 lits adaptés. Et, pour le handicap auditif : des flashs lumineux couplés à l'alarme sonore incendie dans les sanitaires et les chambres, une boucle magnétique portative à l'accueil et dans la salle de spectacle. C'est un véritable havre de paix, avec des bassins de plantes aquatiques et des jardins au cœur du tumulte parisien ! Tous nos nouveaux programmes d'AJ seront construits sur ce modèle. Les prochains ouvriront à Lille en 2015 et à Cahors en 2016.
H.fr : Sur votre site, il n'est pas possible de faire de recherche par critère de handicap. Compliqué pour les personnes concernées !
EAB : L'information sur l'accessibilité est désormais identifiée tout comme les labellisations « Tourisme et handicap » sur les supports papier en cours de refonte : le magazine (FUAJ Mag), les fiches des auberges de jeunesse et la carte de France du réseau d'AJ. Pour le site, nous avons demandé une modification de la base de données de façon à intégrer ce label. Dans un deuxième temps, l'évolution du moteur de recherche permettra de lister les auberges de jeunesse sur des critères d'accessibilité. C'est aussi l'une des raisons qui nous a incités à activer le référencement sur le site handistrict.fr.
H.fr : Résider dans un lieu adapté, c'est une chose mais qu'en est-il des activités qui sont proposées pour occuper son temps libre ?
EAB : Nous n'avons pas systématiquement d'offre adaptée mais, notamment dans les stations de ski, nos équipes de terrain font en sorte qu'il n'y ait pas de refus. Ils sont en contact avec les opérateurs locaux qui peuvent proposer des solutions.
* Fédération unie des auberges de jeunesse, également présidente de la Fédération internationale des auberges de jeunesse (Hostelling international ou HI).
** Conseil économique, social et environnemental