Des bâtiments d'habitation existants équipés d'ascenseurs mais leurs appartements toujours interdits aux personnes contraintes, aujourd'hui ou demain, de se déplacer en fauteuil roulant…
Une volée de marches
Le bailleur social Mâcon habitat (Saône-et-Loire) a décidé d'équiper d'ascenseurs, d'ici l'été 2019, cinq bâtiments d'habitation collective de cinq étages construits dans les années 50 à 70. La facture, salée, s'élève, pour l'un des chantiers en cours, à plus de 4 millions d'euros, soit plus de 36 000 euros pour chacun des 110 appartements. Une bonne nouvelle pour tous les locataires qui vont ainsi gagner en confort ? Ce sont d'ailleurs les motivations avancées par le bailleur et les finalités implicitement attendues par tous : difficulté à louer des appartements non desservis par ascenseur, prise en compte du vieillissement de la population et mise en accessibilité aux personnes handicapées… Et de préciser que 28% des habitants de l'agglomération sont des personnes âgées (tous les ans, 2,3% de la population dépasse 75 ans) donc à mobilité parfois réduite.
Pas d'obligation légale
Le hic, c'est que les colonnes d'ascenseurs, installées en extérieur à l'arrière des bâtiments, desserviront des demi-paliers, contraignant les habitants à emprunter une volée de marches pour accéder à leur appartement. Dans ce contexte, quid des personnes en fauteuil roulant ?
Contacté par handicap.fr, Mâcon habitat explique que des contraintes techniques ont imposé cette solution et reconnait que les personnes en fauteuil n'y auront pas accès. « Ces travaux vont néanmoins améliorer le quotidien des personnes âgées ou avec des handicaps légers, ainsi que des parents avec poussettes, qui n'auront plus que quelques marches à gravir au lieu de plusieurs étages », précise son service de communication. Le bailleur rappelle que ces travaux ont été engagés de manière volontaire puisqu'aucune loi ne l'oblige à installer des ascenseurs dans l'existant. Mâcon habitat ajoute que, dans ses constructions neuves, toutes les règles d'accessibilité en vigueur sont respectées.
Un cas d'école
Il faut donc voir ce chantier comme un cas d'école afin de légitimer le plaidoyer en faveur de la conception universelle qui permet de penser l'accessibilité à tous dès l'origine et de faire des économies substantielles à terme. On estime en effet à 40 000 euros l'installation d'un ascenseur dans la cage d'un petit immeuble pouvant desservir jusqu'à une dizaine d'appartements, soit presque dix fois moins que le budget engagé à Mâcon. « D'où l'intérêt de prévoir des ascenseurs dès la conception », explique Christian François, militant associatif qui a fait de l'accessibilité des logements son cheval de bataille dans un contexte tendu. En effet, en septembre 2018, Edouard Philippe annonçait que les ascenseurs seraient désormais obligatoires dans les bâtiments neufs de trois étages et plus, contre quatre jusqu'à maintenant (articles en lien ci-dessous). Objectif d'une telle mesure ? Augmenter le nombre de logements accessibles aux personnes handicapées ou dépendantes.
Pourtant, depuis, des menaces n'ont cessé de peser sur la mise en œuvre de cette mesure dans le cadre de la loi ELAN, les pistes de travail en cours évoquant des dérogations dans certains cas qui ont eu le don d'échauffer les associations de personnes handicapées (article en lien ci-dessous). « Le cas Mâcon devrait pousser nos politiques à prendre les bonnes décisions, conclut Christian François. Mieux vaut anticiper ! » Une réflexion nécessaire qui devrait permettre à tous de prendre un peu de hauteur…
© Schéma : Christian François