Par Jan Flemr
Tomas Pik n'a rien perdu de son désir de vivre pleinement sa vie malgré une maladie génétique qui le confine depuis cinq ans dans une chaise roulante. Mais pendu à la sonnette des prostituées, ce Tchèque de 26 ans a subi plusieurs fois une déception amère. Certaines belles de nuit lui ont refusé leur corps en apprenant qu'il souffrait d'un problème génétique, l'ataxie de Friedreich, qui se traduit par une dégénérescence progressive des nerfs dans ses bras et jambes. «Etre handicapé ne renforce nullement la confiance en soi. Et quand une prostituée vous tourne le dos, c'est un coup trop dur» , confie Tomas à l'AFP à Prague.
Le premier pays ex-communiste
Depuis peu, le jeune homme peut finalement s'offrir les plaisirs charnels sans risque d'être déçu, grâce à l'assistance sexuelle payante pour personnes handicapées. La République tchèque est le premier pays ex-communiste à voir apparaître ce secteur professionnel et rejoint ainsi des pays tels que les Pays-Bas, l'un des pionniers en la matière, ou la Suisse. Employé d'une boutique d'articles usagés et administrateur d'une page Facebook spécialisée, Tomas fait tout pour promouvoir l'assistance sexuelle. En sirotant un café dans une tasse qu'il a du mal à tenir, il explique que l'objectif des assistantes spécialement formées n'est pas de fidéliser les clients mais de les encourager à trouver eux-mêmes une petite amie. «Leur tâche est d'apprendre aux personnes handicapées à vivre leur propre sexualité, à utiliser les jouets sexuels et à se masturber correctement. Personne d'autre ne leur parle de ce genre de choses», dit-il. «Leur sexualité est un grand tabou ici», ajoute Tomas, qui a déjà savouré le bonheur d'un massage tantrique effectué par une assistante.
Etreintes, baisers, nudité
La gamme des services proposés est variée. Les assistantes peuvent aller très loin mais certaines d'entre elles tracent une ligne stricte à ne pas franchir, se limitant aux massages et à la formation. «Je ne permets ni la pénétration, ni le sexe oral. Je propose aux clients les attouchement sexuels, les massages tantriques, les étreintes, les baisers et la nudité», énumère Iva, une assistante sexuelle qui vit dans une ville au nord-est de Prague. Elle se qualifie elle-même d'«enseignante sexuelle». «Certains personnes avec un handicap mental ou complexe ne savent même pas dire ce qu'elles désirent. Pour le savoir, j'utilise des images», explique-t-elle.
Une ONG : « Plaisir sans risque »
Iva est l'une des cinq assistantes sexuelles travaillant pour une ONG qui se propose en premier lieu de venir en aide aux femmes dans l'industrie du sexe, «Rozkos-bez-rizika» ("Plaisir sans risque"), à l'origine de ce projet en République tchèque. La facture d'Iva pour une séance se chiffre à l'équivalent de 45 euros. «Beaucoup d'hommes handicapés n'ont pas de partenaire. Ils sont âgés, disons, de 35 ans et je leur ouvre ainsi la porte de la sexualité», dit-elle. Elle rencontre ses clients seulement à quelques reprises, afin d'empêcher la création de liens sentimentaux trop forts. «Ils cachent au fond d'eux plein d'énergie refoulée», explique-t-elle. «Une fois cette puissante énergie libérée, leur humeur s'améliore sensiblement et ils sont plus faciles à aborder», constate Iva.
Entre prostitution et proxénétisme
La préparation du projet a duré deux ans, raconte la présidente de «Rozkos-bez-rizika», Lucie Sidova. Sur le plan légal, l'association est obligée de marcher sur la corde raide, entre la prostitution qui n'est pas interdite en République tchèque et le proxénétisme qui est un délit, explique Mme Sidova. Selon elle, l'assistance sexuelle s'apparente à de la prostitution. «Un oui clair et net de la part de l'Etat nous aiderait beaucoup», souligne-t-elle, dans son bureau aux sièges en cuir et muni d'une salle d'examen gynécologique. Le projet se trouve toujours dans sa phase initiale. Iva n'a eu que deux clients en janvier, mais Mme Sidova espère que le nombre d'assistantes va augmenter et que des hommes viendront compléter l'équipe. Son organisation a déjà reçu une lettre de remerciements d'un client : «Après avoir longtemps cherché en vain une partenaire, il nous a écrit qu'il ne viendrait plus nous voir, car il a maintenant une petite amie».
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