« Le handicap vous dérange ? » D'ordinaire, Charly est une ville tranquille… Mais, depuis quelques semaines, cette petite bourgade d'Auvergne-Rhône-Alpes est le théâtre d'une querelle de voisinage. Le conflit oppose l'association Au pré de Justin, qui organise des activités physiques adaptées aux personnes en situation de handicap, à certains de ses voisins. Le centre, sur plusieurs hectares, propose de l'équithérapie, une ferme pédagogique et un potager et, partenaire de plus de 130 institutions médico-sociales, accueille 2 000 personnes, enfants et adultes, chaque année. Principal reproche qui lui est fait, selon l'association : le bruit, les voitures qui se garent devant la propriété de ces riverains et même l'odeur des 160 animaux qui vivent dans la ferme (alpagas, ânes, chèvres, lapins, poules, chevaux…). « L'odeur n'a jamais posé de difficulté », rétorque une riveraine visée par les accusations. Il y a quelques semaines, le conflit a pris un autre tournant lorsqu'un voisin a molesté une mère et son fils en situation de handicap. La goutte d'eau ? Cette dernière a décidé de porter plainte.
Dénonciations mensongères
La croissance rapide de cette structure avait déjà inquiété certains voisins, en 2016. Ces derniers, qui se disent, eux aussi, « en colère » déplorent « que la structure se développe toujours plus sans respect des règles d'urbanisme, sans stationnement et de manière commerciale avec, dernière en date, une guinguette. ». Xavier Dumas, créateur de l'association, avait pourtant accepté de fermer le dimanche et de ne plus faire aucune activité après 17 heures. « Mais l'engagement n'a pas été respecté et l'association continue d'être ouverte le dimanche. L'affluence est exponentielle les week-ends avec une offre toujours plus grande et un trafic énorme et non adapté. », poursuit la riveraine. La ferme pédagogique est en effet désormais ouverte à tout public et payante. Avec la présence de nouveaux arrivants, la mésentente aurait pris de l'ampleur. « Depuis plusieurs mois, ils s'acharnent : intimidation, harcèlement, multiplication d'actes diffamatoires, y compris à l'encontre de parents et bénévoles. », affirme l'association qui dit devoir faire face à des contrôles réguliers, parlant même de « dénonciation de travail dissimulé ». « C'est insupportable d'entendre cela, rétorque la riveraine. Seule une action en justice contre la mairie de Charly associée d'une plainte a été effectuée pour non-respect des règles d'urbanisme ». Le tribunal administratif a d'ailleurs donné raison aux voisins en octobre 2018 en demandant la poursuite de la mise en conformité.
Mise en conformité du centre
Selon Sandrine Chaix, conseillère régionale, il y a « deux problèmes différents : cette mésentente sur l'organisation qui a pris trop d'ampleur et la mise en conformité du centre au niveau du PLU (Plan local d'urbanisme) ». Depuis 2015, le Pré de Justin demande « régulièrement » à la métropole de Lyon de « valider » les aménagements indispensables aux activités, notamment les installations sanitaires, y compris celles adaptées aux personnes en situation de handicap, les bureaux des éducateurs, les lieux de vie des enfants et un manège couvert. En ce qui concerne le PLU, « toutes les démarches administratives seront reprises de zéro, assure Sandrine Chaix. Il y a une volonté de la mairie, de l'association et de la métropole de se mettre en conformité le plus rapidement possible pour lever ce doute. »
Appel au dialogue
Une pétition a été mise en ligne par la maman invectivée : « Au Pré de Justin : stop au harcèlement ». Dans ce climat de tension, Sandrine Chaix appelle à l'apaisement et au dialogue et propose son aide en tant que médiatrice. Selon elle, il faut « régler les problèmes séparément ». « En ce qui concerne le stationnement, il pourrait y avoir une lettre d'information aux familles leur demandant de ne pas se garer devant les maisons adjacentes, propose-t-elle. Comme le centre n'est pas conçu pour recevoir un grand nombre de visiteurs, il n'y a pas forcément de places de stationnement dédiées ». Le problème sous-jacent invoqué par l'association ne serait donc pas « l'acceptation de la différence » ? Ce à quoi la riveraine, qui déplore un « discours de victimisation permanent », répond : « Ce n'est certainement pas l'activité de enfants porteurs de handicap qui a poussé la crispation mais l'inverse le changement de cap vers le tout public. » Xavier Dumas répond : « Quel changement de cap ? L'une de nos valeurs fortes, c'est l'intégration. Comment parler d'intégration si on faisait de notre ferme un asile à handicap ?".