Ava, une application mobile destinée aux sourds et malentendants permettant de sous-titrer en temps réel des échanges verbaux dans un groupe, a été officiellement lancée en France le 5 juillet 2017, après avoir déjà conquis quelque 50 000 personnes aux États-Unis, en six mois. L'application est également lauréate du prix Ocirp handicap 2017 dans la catégorie « Recherche appliquée et innovations technologiques » (article en lien ci-dessous). Le jury a salué la « volonté de créer ce produit avec les utilisateurs, avec de nombreux tests ». « C'est aussi un produit innovant, qui permet à une personne sourde ou malentendante d'être interactive dans une conversation de groupe », a-t-il ajouté.
Aller plus loin que les « gadgets »
Des outils de reconnaissance vocale existent depuis longtemps mais « pour l'instant, ils servent à faire des choses gadget », a estimé Thibault Duchemin, PDG et cofondateur d'Ava, lors d'une conférence de presse à Paris. Pourtant, « on peut utiliser les milliards de smartphones qui existent pour transformer visuellement l'information auditive », affirme-t-il. Ava permet de retranscrire par écrit et en moins d'une seconde les échanges verbaux de différents interlocuteurs, à condition qu'ils aient téléchargé l'application et qu'ils parlent près du micro de leur smartphone (lire article en lien ci-dessous). Chaque interlocuteur est affiché dans une couleur différente, ce qui facilite le suivi des échanges. À l'aide des technologies de reconnaissance de la parole, Ava a su mettre au point le système de sous-titrage, selon ses concepteurs, « le plus rapide au monde ».
Stop à la frustration
L'appli peut retranscrire une conversation impliquant jusqu'à 12 membres, connectés à l'application en wifi via leurs smartphones ou tablettes. La retranscription « n'est pas parfaite » mais, avec cinq heures gratuites offertes par mois et un forfait mensuel illimité pour près de 30 euros, le système est moins coûteux et plus facile à mettre en œuvre que de recourir à un interprète en langue des signes qui revient « entre 75 et 200 euros de l'heure », a fait valoir M. Duchemin. Suivre une conversation orale génère souvent un sentiment de frustration et d'isolement chez les sourds, qui récupèrent seulement 25% des informations en lisant sur les lèvres », a-t-il ajouté.
Un projet largement soutenu
Cet ingénieur de 26 ans sait de quoi il parle : ses deux parents et sa sœur sont sourds de naissance. Pas lui. En 2014, il fonde sa start-up avec un Taïwanais sourd, Skinner Cheng, et un Néerlandais, Pieter Doevendans, rencontrés durant ses études à l'université de Berkeley, en Californie. Ava a levé, en 2016, 1,8 million de dollars auprès d'investisseurs et compte parmi ses actionnaires le puissant fonds de capital-risque américain Partech Ventures.
Une visée internationale ?
« Cela va me faciliter la conversation sans que je me fatigue à lire sur les lèvres », a confié à l'AFP Emmanuelle Aboaf, une développeuse numérique sourde de 29 ans, qui a testé le 4 juillet, en avant-première, la version française d'Ava. « Même si la reconnaissance vocale n'est pas encore au point, le résultat est là. Cela fonctionne assez bien lors des échanges quand on ne parle pas trop vite ». Après les États-Unis et la France, la start-up prévoit de se lancer dans d'autres pays, avec différentes langues déjà en test. L'objectif d'Ava ? Faire converser les 400 millions de personnes atteintes de troubles auditifs sévères dans le monde d'ici 10 ans.
© Ava