1 770 euros par travailleur et par an, c'était le montant de l'aide au poste accordée aux entreprises adaptées (EA) (financement par l'État égal à 80% du Smic brut pour un temps plein) jusqu'au 31 décembre 2017. En 2018, elle passe à 1 380 euros. Ainsi en a décidé un arrêté publié au Journal officiel le 5 avril 2018 (en lien ci-dessous). Le 5 avril ? Non content de mettre les employeurs dans l'embarras, le gouvernement décide, en plus, que cette mesure sera rétroactive au 1er janvier. « J'avais déjà anticipé mon budget sur 2018, s'indigne Denis Leroy, directeur d'une EA qui emploie principalement des personnes déficientes visuelles à Strasbourg. On devrait pouvoir y faire face avec notre trésorerie mais, avec 25% en moins en 2018, c'est des investissements qui disparaissent. Alors, je fais quoi ? Je vais certainement devoir dire au revoir à certains de mes salariés ».
SOS au Conseil d'État
Dans ce contexte, APF France handicap, l'Unapei et la Fédération des aveugles de France ont déposé un recours le 6 juin 2018 devant le Conseil d'État. Alors que les personnes en situation de handicap sont durablement touchées par le chômage et que les entreprises adaptées emploient plus de 34 000 salariés, la loi de finances 2018 a réduit leurs financements à hauteur de 8 millions d'euros. « C'est un véritable coup dur porté à l'emploi des personnes en situation de handicap et tout un secteur qui est fragilisé par cette coupe budgétaire », s'indignent ces associations dans un communiqué commun.
Les plus vulnérables menacés
Elles avaient déjà dénoncé, fin 2017, la baisse de 22% de la subvention spécifique qui permet de financer, notamment, le suivi socio-professionnel, l'accompagnement et la formation spécifiques de la personne handicapée pour favoriser son adaptation à son poste de travail (article en lien ci-dessous). Les associations poursuivent leur mobilisation contre ce nouvel arrêté qui, selon elles, va fragiliser plus de 40% des entreprises adaptées. Ce plafonnement des aides risque d'impacter, notamment, celles qui emploient les personnes handicapées les plus éloignées de l'emploi, notamment âgées de 50 ans et plus. Les associations ajoutent que « les secondes victimes de cette coupe budgétaire sont les EA qui investissent pour moderniser leurs outils de production ».
Réformes à marche forcée
« Le gouvernement nous dit : 'Tenez, voici un sac à dos et on vous met l'enclume avec !', poursuit Denis Leroy. Sur le fond, il s'appuie sur une étude qui prétend que les EA dégagent des marges bénéficiaires mais ce n'est vraiment pas le cas. Sur la forme, il propose une forme de dialogue très surprenante et fait passer des réformes qui ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Avec d'autres acteurs, nous réfléchissons sur l'évolution du modèle des EA, mais pas comme ça, pas à marche forcée ! ».
Quel délai de réponse ?
Les associations rappellent que le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste aujourd'hui deux fois supérieur à celui de la population générale et d'une durée supérieure de 200 jours. « Alors que le gouvernement s'apprête à réformer l'emploi des personnes en situation de handicap et tandis qu'une loi pour la transformation et la croissance des entreprises est à l'étude, c'est tout un secteur qui est fragilisé et les personnes en situation de handicap qui sont mis dans une situation encore plus vulnérable », conclut leur communiqué. L'affaire est désormais entre les mains du Conseil d'État, sans garantie aucune sur le délai de réponse…