8 septembre 2020. Emmanuel Puviland s'attaque au Mont-Blanc. Un défi de taille pour cet ingénieur peu habitué à côtoyer les sommets. Un ami et un guide l'accompagnent dans sa quête. Car si ce père de famille originaire du Bas-Rhin s'époumone à 4 808 mètres d'altitude, c'est pour sensibiliser le grand public au syndrome du bébé secoué (SBS). Chaque année, 200 nourrissons sont victimes de ce geste d'énervement, loin d'être anodin, qui peut entraîner des conséquences neurologiques irréversibles. Parmi eux, son fils, Axel.
5 ans de prison pour la nounou
C'est cinq ans plus tôt, le 7 octobre 2015, que le destin de la famille a basculé, après un appel de l'assistante maternelle. « Il faut venir immédiatement, Axel ne se réveille pas », dit-elle à sa mère qui se trouve à 50 km de-là. A son arrivée, Sophie Puviland découvre son fils, âgé de 4 mois, gémissant, inerte. A l'hôpital, les examens s'enchaînent mais toujours aucun diagnostic... jusqu'à ce qu'un scanner révèle un « hématome sous-dural aigu », causé par un traumatisme crânien. Les médecins sont plutôt pessimistes quant aux chances de survie du nourrisson, cérébrolésé, incapable de respirer seul. Mais il se bat et déjoue tous les pronostics. En mai 2019, la cour d'assises du Haut-Rhin rend son verdict : la nounou est condamnée à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, et définitivement interdite d'exercer ce métier. Elle risquait jusqu'à trente ans de réclusion criminelle pour maltraitance sur mineur...
Les signes d'alerte
En effet, le syndrome du bébé secoué (dit aussi « d'impact des secousses ») est une forme grave de maltraitance qui intervient, la plupart du temps, lorsque la personne qui s'occupe de l'enfant, excédée par ses cris ou ses pleurs, craque nerveusement et le secoue violemment. Le cerveau, particulièrement fragile avant un an, percute la boîte crânienne, provoquant des hémorragies et des lésions importantes au niveau des tissus cérébraux. En France, à la suite d'un tel choc, 10 à 40 % des nourrissons décèdent, 25 % souffrent d'hémiplégie, de cécité ou d'un retard mental majeur. Les signes d'alerte ? Perte de tonus, irritabilité prononcée, troubles de la coordination, extrême pâleur, diminution de ses compétences, vomissements, convulsions, perte de conscience, regard figé sans réaction aux stimuli, bombement de la fontanelle...
Pleurer, sa manière de communiquer
Pour éviter cela, il semble essentiel de rappeler que les pleurs persistants font généralement partie du processus de développement d'un bébé ; c'est également le seul moyen qu'il possède pour communiquer. En cas de tentative infructueuse pour le calmer, il est recommandé de le déposer soigneusement dans son berceau, de quitter sa chambre et de revenir toutes les 15 minutes pour s'assurer qu'il va bien. Autres conseils : appeler un proche ou un professionnel de santé pour extérioriser ses émotions et attendre d'être calmé avant de le reprendre dans ses bras. Plusieurs solutions pour se détendre : respirer profondément, écouter de la musique, sortir prendre l'air quelques minutes...
Des séquelles lourdes dans 75 % des cas
Aujourd'hui âgé de 5 ans, Axel garde de lourdes séquelles (déficience visuelle, épilepsie) -comme dans 75 % des cas- qui ont brisé tout espoir d'une scolarité et d'une vie « ordinaires ». Traitements et rendez-vous médicaux rythment désormais son quotidien et celui de ses parents. « C'est un combat de tous les jours que nous menons pour permettre à notre fils d'être stimulé au maximum et d'avoir accès aux meilleures thérapies qui peuvent l'aider à progresser », expliquent-ils à nos confrères de France 3.
Un sujet tabou
Après 6h30 d'ascension, Emmanuel Puviland atteint enfin le point culminant des Alpes, « éprouvé ». Il brandit une photo de son fils grimé en super-héros, « Captain Axel », partageant l'affiche avec le logo de l'association Stop bébé secoué, qui se bat pour la reconnaissance de cette maltraitante. Un sujet encore méconnu et tabou. « On est encore surpris par le fait que les gens ne connaissent pas le SBS. Les jeunes parents ne sont pas toujours informés que ça peut arriver, constate le couple sur France 3. La prévention est insuffisante. C'est une bataille que l'on mènera à vie. » Pour ce faire, Emmanuel envisage d'ores-et-déjà de gravir le Mont-Rose qui culmine à 4 634 mètres d'altitude, porteur d'un message : « Secouer n'est pas jouer, secouer n'est pas calmer ! »
© Sophie Puviland