Mexique, Canada, Etats-Unis, Pologne, Corée du sud... Etre étudiant et handicapé en France, c'est déjà compliqué alors à l'étranger, il y a encore quelques années, ça n'était même pas la peine d'y songer. Accès aux traitements, aux transports, à un accompagnement spécifique... Les surcoûts liés au handicap représentent des freins considérables et tous les jeunes ne sont pas en mesure de les assumer. Aujourd'hui, au moins treize d'entre eux vont quitter l'Hexagone le temps d'un semestre ou deux pour poursuivre leur cursus à l'étranger. Anna, Clément, Quentin et dix autres camarades ont reçu, le 4 juillet 2019, au sein de l'Assemblée nationale, une bourse d'encouragement à la mobilité internationale des mains de la Conférence des grandes écoles (CGE) et de la Mission handicap assurance (MHA).
Des actions en cours
Depuis plusieurs mois, les initiatives pour favoriser l'accès à l'international des étudiants handicapés se multiplient. Le 11 février 2019, Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, et Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, ont signé la 2e charte handicap des grandes écoles et universités sur le campus d'UniLaSalle, à Beauvais (article en lien ci-dessous). L'occasion pour cette école d'ingénieurs, engagée en faveur du handicap, et pour la CGE de présenter leur projet de Statut international d'étudiant en situation de handicap (SIESH). Deux mois plus tard naissait GUDIN, un réseau mondial dédié aux étudiants handicapés. Ses « parents » ? Des universités, grandes écoles et instituts d'enseignement supérieur du monde entier. Sa mission ? « Mieux penser l'accès aux études supérieures » pour ces jeunes aux besoins spécifiques (article en lien ci-dessous).
Bientôt un statut international ?
« La mobilité internationale des étudiants favorise le rayonnement des grandes écoles et de l'enseignement supérieur français, estime Yves Poilane, président de la commission relations internationales de la CGE. C'est un atout considérable pour notre pays. C'est pourquoi elle doit être accessible à toutes et à tous, sans considération de moyens financiers ou de contraintes logistiques. » Pourtant, « on constate que trop d'étudiants restent confrontés à de réelles difficultés pour poursuivre leurs études » hors des frontières, déplore Anne-Elise Chevillard, présidente de la MHA. « Des problématiques encore plus prégnantes hors de l'Union européenne... », précise Xavier Quernin, chargé de mission handicap d'UniLaSalle. C'est pourquoi, « depuis deux ans, la CGE porte partout où elle le peut, la création du SIESH », poursuit Yves Poilane. Selon lui, l'ambition est « simple » : permettre à chaque étudiant de « choisir librement son pays de destination », et non par défaut en fonction de son handicap. Sophie Cluzel affirme soutenir leur « plaidoyer » en faveur de ce statut, « sur lequel nous devons avancer collectivement » ; « Compte tenu de l'expertise de la CGE pour accompagner la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap, je propose de la mandater pour conduire les travaux nécessaires à la mise en œuvre de cette coopération », annonce-t-elle.
Initiative nécessaire
En attendant, la bourse accordée par la MHA, qui s'élève à 30 000 euros, devrait permettre aux étudiants de prendre en charge une partie des coûts supplémentaires induits par leur handicap. « Dans la majorité des cas, elle couvre 100 % des frais mais ce n'est pas toujours le cas », souligne Yves Poilane, avant de proposer une nouvelle collecte de fonds. « C'est énorme mais ça ne suffit pas, estime Frédéric Meunier, directeur de l'école d'ingénieurs EFREI Paris. Cela représente 5 % des besoins en accompagnement de Louis sur quatre mois car il en a besoin en permanence. » Le jeune homme, qui part en Angleterre, se veut plus optimiste : « Le handicap coûte cher mentalement, physiquement et économiquement mais, grâce à vous, aujourd'hui la note est moins salée, remercie-t-il. C'est grâce à de telles actions que nous pouvons vivre sans la crainte que l'on nous dise 'non'. » Les treize lauréats, qui étudient dans des écoles d'ingénieurs, de management ou encore de marketing sont unanimes. Cette initiative est « géniale » et « nécessaire ». Lucie, qui se prépare pour un semestre en Espagne, en profite pour passer une annonce pour son futur stage. Clément a également choisi la péninsule ibérique pour son deuxième stage à l'étranger. Non-voyant, il pointe les difficultés pour « se repérer » ou tout simplement faire ses courses, a fortiori dans les pays « où les chiens guides ne sont pas autorisés partout », comme en Lituanie où il avait effectué son premier stage.
Faire progresser la société ?
Pour Richard Ferrand, au-delà des bénéfices personnels, cette expérience peut avoir des répercussions bénéfiques à plus grande échelle. « L'un des grands intérêts de l'échange international, c'est de faire progresser la société. L'accès à l'emploi pour les personnes handicapées reste insuffisant dans notre pays, les expériences étrangères méritent d'être observées », affirme le président de l'Assemblée nationale avant de remercier les étudiants présents pour le « message d'optimisme et de volonté » qu'ils envoient. Le mot de la fin revient à Julien Soreau, responsable du pôle égalité des chances au sein de l'école de management EM Normandie et co-animateur du groupe handicap de la CGE. « Etre en situation de handicap dans une grande école n'est pas rédhibitoire », assure-t-il avant d'encourager les potentiels boursiers à se manifester. « Rendez-vous l'année prochaine, pour la deuxième édition de cette remise de bourses puis la troisième et la quatrième... On ne va pas s'arrêter en si bon chemin ! »