La campagne nationale sur le handicap est lancée : impact?

Le 18 octobre 2021, une campagne nationale massive de sensibilisation sur le handicap est lancée dans les medias, avec 3,5 millions d'euros de budget. Certains ne la jugent néanmoins pas assez percutante pour changer les mentalités. Votre avis ?

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« Voyons les personnes avant le handicap », c'est le thème de la grande campagne nationale de sensibilisation qui sera lancée le 18 octobre 2021 par le gouvernement. Objectif, selon Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap ? « Rendre visibles les invisibles ». Mais, lors de la soirée de lancement, organisée le 13 octobre en présence de Brigitte Macron, on observe quelques mous dubitatives, certaines personnes déplorant des « messages » trop « subtils » pour des non-initiés, qui, à trop vouloir gommer les différences rendent le propos moins « percutant ». Il fallait s'y attendre, sur un tel enjeu, de taille, qui concerne près de 12 millions de Français, tous « uniques », le consensus semble difficile à trouver...

Trop de clichés

« Il est temps de montrer la riche diversité des personnes en situation de handicap, de valoriser leurs compétences et d'améliorer le degré de connaissance générale du grand public », explique la ministre. Le handicap est en effet la première cause de discrimination en France selon le Défenseur des droits et « les préjugés restent prégnants surtout envers les personnes autistes, avec troubles psychiques et polyhandicapées », regrette Sophie Cluzel. Elle déplore la prédominance dans l'esprit collectif « du fauteuil roulant et de la canne blanche » et le « handicap encore trop souvent associé au malheur et à la souffrance », comme en témoigne une récente étude (Harris-interactive avril 2021). Pour la secrétaire d'Etat, « l'insuffisante présence des personnes handicapées dans les medias peut expliquer ces préjugés ». Cette campagne nationale entend donc y remédier...

3 spots et 10 portraits

Trois spots, Le rencard (vidéo ci-dessus), La robe et La cantine (en lien ci-dessous), ont été réalisés par Yvan Attal, avec des comédiens en situation de handicap. L'une est sourde, l'autre en fauteuil, le dernier porte une prothèse de bras. Le fil conducteur ? Lors d'une rencontre, ce n'est pas le handicap qui saute aux yeux mais une toute autre singularité. Une série de dix portraits, tous handicaps confondus, réalisés par la photographe Sylvie Lancrenon, accompagne également les films, qui sera déployée « au plus près des territoires » (lieux publics, gares, entreprises, commerces, MDPH...). Didier Eyssartier, directeur général de l'Agefiph (Fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le privé), y voit un « relais intéressant et un bon support » pour sensibiliser les acteurs de l'entreprise car les situations évoquées misent d'abord sur « les compétences » : une photographe de petite taille, un accro aux jeux vidéo en fauteuil, une spécialiste du théâtre classique aveugle...

Des ajustements de dernière minute

Sophie Cluzel espère « pouvoir compter sur le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) pour faire vivre cette campagne ». Mais cette adhésion ne s'est pas faite sans accrocs. A quelques jours du lancement officiel, ses membres sont consultés. Le slogan initial est le suivant : « Avant de voir le handicap, regardons nos points communs ». La mayonnaise ne prend pas, certains membres sont vent debout, disant ne pas se reconnaître dans ces messages qui, selon eux, mettent trop l'accent sur le handicap. Un groupe est alors mis en place, dans l'urgence, pour « retravailler les slogans et la baseline ». Pour Jérémie Boroy, président du CNCPH, cette « campagne, attendue depuis des années, avec des moyens conséquents, était nécessaire » mais il consent qu'il est « difficile de prendre en compte tous les handicaps, parcours et sensibilités ». De son côté, Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps qui réunit une cinquantaine d'associations, regrette « l'absence de concertation dans sa conception avec les associations et les familles sur les messages à véhiculer ». Il ajoute qu'une « seule campagne ne peut être suffisante » et qu'il « aurait été utile d'imaginer un plan sur l'ensemble du quinquennat ».

Un message pas assez percutant

Pour le Collectif handicaps, « pas sûr que le message assez classique parvienne à sensibiliser la société aux discriminations dont sont victimes tous les jours les personnes handicapées et donc à les empêcher ». Anthony Aube, membre du CNCPH et de l'Association de personnes de petite taille, partage cet avis : « Ça manque de punch » et ce n'est pas une campagne de « militants ». Selon lui, le « making of de deux minutes (en lien ci-dessous) se suffit à lui-même » car les personnes en situation de handicap ont davantage pu s'exprimer et « on voit dans leurs attitudes ce que ne dit pas une photo ». Il regrette la permanence de certains préjugés un peu « pathos » et de discours « compatissants » -lors de la soirée de lancement, le mot bienveillance a (trop) souvent été utilisé-. « Le handicap, c'est de la discrimination au quotidien, poursuit-il, donc l'objectif n'est pas de nous faire 'aimer' ». Au-delà des avis contraires, il n'y aura qu'un seul juge de paix, la mesure de l'impact de cette campagne sur le grand public. « Nous y veillerons », assure Jérémie Boroy, qui espère qu'elle « pourra vraiment changer le regard ! ».

Quelle diffusion ?

Proposés en sous-titrages et audiodescription, les spots seront diffusés du 18 octobre au 4 janvier 2022 sur les télévisions, les réseaux sociaux et dans les medias, avec un renfort dans les cinémas à l'occasion des vacances de Noël, pour « toucher les plus jeunes », selon Sophie Cluzel, qui compte également sur l'impact des « influenceurs », notamment en situation de handicap. Des interviews sur Konbini et Gulli complètent le dispositif de diffusion « à 360 degrés ». Une page dédiée sera disponible à partir du 18 octobre (en lien ci-dessous). 

Décidée par le président Macron, réclamée par l'ONU

Cette campagne est la première en France si l'on fait abstraction des campagnes associatives ou celles déclinées sur un handicap spécifique comme l'autisme en 2012. Le feu vert a été donné par Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale du handicap de février 2020, réclamé également par l'ONU qui en septembre 2021 a rendu ses conclusions sur la politique handicap menée par la France (article en lien ci-dessous). Elle est, notamment, soutenue par le Service d'information du gouvernement (SIG) qui entend veiller à « l'exemplarité de l'Etat » et à « assurer un changement structurel avec une acculturation de l'ensemble de l'écosystème » à l'accessibilité. 3,5 millions d'euros ont été investis.

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