Les CDAPH (Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) risquent-elles d'être dépouillées de certaines prérogatives ? Une proposition de loi (PPL) « visant à renforcer les compétences des maisons départementales des personnes handicapées » du député Paul Christophe (Horizons, Nord) inquiète. Le texte propose que les MDPH puissent prendre elles-mêmes les décisions relatives aux droits pouvant être attribués aux personnes handicapées sur la base de l'évaluation réalisée par leurs équipes pluridisciplinaires (EPE). Ce n'est qu'en cas de recours, amiable ou contentieux, qu'il serait fait appel à la CDAPH pour une deuxième évaluation du dossier.
Le rôle crucial des CDAPH
Rappelons que ces commissions décident des droits de la personne handicapée en réunissant autour de la table des représentants de différents organismes de l'Etat, des syndicats mais aussi des associations de parents d'élèves et représentants des personnes handicapées. « Cette PPL ne comprend pas les réalités de vies des personnes concernées et notamment le cadre règlementaire des recours. La légitimité et souveraineté des décisions actées par les CDAPH composées de membres issus de la société civile est menacée », alerte Claude Boulanger, ancien président d'une CDAPH. D'autant que cette PPL arrive après la récente polémique autour des futurs pôles d'appui à la scolarité (article 53 du PLF 2024) qui entendent mobiliser les moyens de l'Education nationale, avant saisine éventuelle de la MDPH, pour rendre les enseignements plus accessibles (Lire : Futurs Pôles d'appui à la scolarité : les craintes des asso ). Le rôle des CDAPH serait-il ébranlé par ces mesures de simplification qui, semble-t-il, peinent à convaincre ?
APF France handicap monte au créneau
APF France handicap, qui s'est saisi du dossier, dénonce une « révision qui remet en cause la loi handicap de 2005 ». Dans une lettre ouverte, l'association fait part à la ministre déléguée au Handicap, Fadila Khattabi, de son « mécontentement ». Tout partait a priori d'une bonne intention : simplifier les procédures pour accélérer le traitement des dossiers… Si l'association reconnaît des « délais très (trop) importants d'instructions auprès des GIP (Groupements d'intérêt public) des MDPH », elle doute néanmoins que cette mesure puisse arranger la situation. « Ce n'est pas en supprimant la CDAPH en tant qu'instance décisionnaire d'attribution des droits et prestations que l'on va réduire ces délais, témoigne Malika Boubekeur, sa conseillère nationale compensation/autonomie, sur X. C'est méconnaître non seulement les points de saturation mais également les dispositions en cours pour réduire les délais. »
Plus d'audition des personnes concernées ?
APF France handicap réaffirme « le rôle important (quoi qu'on en dise) des CDAPH avec notamment les représentants associatifs qui y siègent et qui réussissent à faire modifier les décisions des EPE lorsqu'elles ne correspondent pas aux attentes et situations des personnes. En effet, il ne faudrait surtout pas croire que parce qu'un droit est accordé, il correspond à la demande et aux besoins des personnes, notamment pour des prestations comme la PCH (Prestation de compensation du handicap) et l'AEEH (Allocation d'éducation de l'enfant handicapé) ». Elle redoute que sans CDAPH, il n'y ait « plus d'auditions des personnes concernées, ce qui serait un comble dans un dispositif d'accès aux droits ». L'association a d'ailleurs fait à ce sujet un certain nombre de propositions lors des travaux préparatoires à la Conférence nationale du handicap (CNH) d'avril 2023, dont une pour laquelle elle attend toujours l'effectivité : le référent de parcours MDPH, promis par le gouvernement.
APF France handicap prévient que « cette PPL va faire l'objet d'une très forte réaction des associations du secteur handicap ». Avec l'appui d'un collectif inter associatif, elle vient d'obtenir la promesse d'un rendez-vous avec le député Paul Christophe. Interrogé par handicap.fr, le ministère délégué aux Personnes handicapées répond qu'il va rencontrer le député et que rien ne sera décidé sans une collaboration étroite avec le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) et les départements. Affaire à suivre…