« Brasil, Brasil ! ». À Rio, les cris résonnent dans les tribunes peu avant le début du match de cécifoot, dimanche 11 septembre 2016, dans lequel le Brésil affrontait la Turquie en demi-finale. La couleur jaune du maillot brésilien teint le stade, plein à craquer. Au premier rang, Wagner Goulart, 30 ans et Luciana Vargas, 34 ans, revêtent la panoplie du parfait supporteur : tee-shirt jaune, chapeau et même des lunettes avec une monture en plastique formant le mot « Brésil ». Sans oublier les instruments de musique : trompette pour elle, maracas pour lui. « Nous ne nous en servirons que lorsque le match s'arrêtera, ou s'il y a un but, bien sûr », affirment-ils à l'AFP. Après le coup d'envoi suit un « chut » général. Puis un silence absolu retombe.
Contenir son émotion
Les seuls bruits qui s'entendent sont le tintement du ballon sonore, avec des clochettes à l'intérieur, et les cris des joueurs, atteints de différents degrés de cécité. Pour rivaliser à égalité, tous ont les yeux bandés. Au cécifoot, les oreilles remplacent les yeux et n'importe quel bruit gêne la partie. Seuls les gardiens de but ne sont pas malvoyants ; ils servent de guide aux autres joueurs. Face à un rival sur l'extrême défensive, les Brésiliens ont multiplié les attaques. Comment se retenir lorsque Ricardinho, le numéro 10 « auriverde », dribble avant de tirer ? L'émotion contenue se transforme en murmure impuissant au lieu des cris habituels de célébration. Car si les Brésiliens se sont fait remarquer au cours de ces semaines olympiques, c'est bien par le vacarme qu'ils font dans les tribunes et qui a tendance à agacer les sportifs.
« Je vais exploser »
Katia Brum, 38 ans, a souffert au moment du premier but de Ricardinho, désigné meilleur joueur du monde en 2014. Tendue, elle se mettait la main sur la bouche pour s'empêcher de crier. « C'est la première fois que je vois un match avec des joueurs aveugles et c'est trop d'émotion, raconte-t-elle. Je ne pourrais pas venir avec mon père. On est habitués à supporter en criant. J'ai l'impression que je vais exploser. » Les joueurs brésiliens ont avoué que le bruit avait été plus fort que souhaité, mais cela ne les a pas trop dérangés. « Cette énergie est très importante, elle nous motive, même si par moments elle gêne un peu, reconnaît l'attaquant Nonato. Je veux et j'espère que cela continuera, avec le stade rempli. » Ricardinho, lui, espère que « les supporteurs fêteront avec eux un nouveau titre ».
Finale bruyante ?
Le cécifoot a fait son entrée aux Jeux paralympiques de 2004 à Athènes. Depuis, le Brésil est le seul à avoir remporté la compétition. Lors de la première édition, il s'était imposé en finale face à son ennemi
numéro 1, l'Argentine, également médaillé de bronze en 2008. Les Argentins restent parmi les favoris à Rio. Comme pour le Mondial 2014, leurs supporteurs sont présents en nombre au Brésil, dans le parc olympique cette fois. « C'est très beau de jouer devant de nombreux supporteurs, même si c'est parfois gênant. Quand tu es sur le point de tirer et que tu commences à entendre « aïe, aïe, aïe », ça peut te déconcentrer mais il y en a que ça peut au contraire motiver », explique le capitaine argentin Silvio Velo, connu comme le Messi du football à cinq. Si la finale Brésil-Argentine se confirme, il faudra des muselières. Certains proposent déjà un ballon plus sonore. Beaucoup de « chut » et de self-control seront en tout cas nécessaires pendant les cinquante minutes de jeu.
© Olympic Information Services OIS