Tétraplégique, Adrien Chalmin n'a pas pour autant renoncé à la compétition : il est devenu l'un des ambassadeurs du rugby fauteuil, dont il se sert pour sensibiliser au monde du handicap. Au complexe sportif de la Gauthière de Clermont-Ferrand, Adrien Chalmin prodigue conseils et encouragements à ses coéquipiers de l'ASM Clermont-Auvergne pour préparer la phase finale du championnat de France, qui se déroule les 29 et 30 avril 2017 dans la capitale auvergnate.
Faire corps avec le fauteuil
Sur un terrain de basket, les joueurs pivotent, slaloment et s'entrechoquent à toute vitesse pour tenter de franchir la ligne de but adverse avec leur ballon de volley. "Les règles s'apparentent au basket, au foot américain, au hockey. La similitude avec le rugby, ce sont les contacts, la stratégie... et la troisième mi-temps", explique Adrien Chalmin, qui ne jouit que d'une mobilité partielle des bras et dont le rôle consiste à bloquer ses adversaires avec son fauteuil de compétition, équipé d'une grille à l'avant en guise de pare-chocs. "On est en mode 'Mad Max'. On doit faire corps avec son fauteuil dans un souci de performance", ajoute tout sourire l'ancien capitaine de l'équipe de France paralympique, sanglé au torse et aux pieds dans son armure de métal.
Touché lors d'un match
A 31 ans, le terrain de jeu de ce sportif qui a grandi à Riom (Puy-de-Dôme) aurait dû être la pelouse toute proche du stade Marcel-Michelin. Après sa formation au Centre national de Marcoussis - où il avait pour compagnons de promo les internationaux François Trinh-Duc, Guilhem Guirado et Maxime Médard - et une Coupe du monde en Afrique du Sud, il avait rejoint l'équipe Espoirs de l'ASM, à 19 ans. Mais, en septembre 2005, il est touché lors d'un match aux cervicales et à la moelle épinière. "J'avais la balle et je crois que dans un mauvais placement, lors d'un regroupement, mon cou s'est tordu. C'était une action banale, rien de violent", se souvient l'ex-rugbyman.
De chouettes sensations
Il découvre sa nouvelle discipline lors sa rééducation en Bretagne. "Le fauteuil était trop petit pour moi, j'avais les genoux jusqu'aux oreilles mais j'ai directement ressenti de chouettes sensations", raconte ce grand gaillard de deux mètres. "Ca a été un super outil de résilience qui m'a permis de me fixer de nouveaux objectifs", reconnaît le jeune homme pugnace dont le détachement et la sérénité impressionnent. De retour à Clermont, il recrute un à un les joueurs de la section rugby fauteuil de l'ASM avec lesquels il s'entraîne 4 à 5 fois par semaine. Compétiteur dans l'âme, il fait également partie de l'équipe des Tigres de Leicester, en Angleterre.
D'abord un athlète de très haut niveau
"Adrien, c'est d'abord un athlète de très haut niveau, avant d'être une personne handicapée", juge le sportif amputé des quatre membres Philippe Croizon. "A travers ce sport physique, visuellement beau à regarder, il participe à changer le regard sur le handicap", ajoute celui qui a tourné à ses côtés un épisode de la saison 3 de la web-série Vis mon sport (article complet en lien ci-dessous). "Il est un exemple, le grand-frère pour tous les petits jeunes de l'équipe qui sortent d'un accident. Ils veulent être comme lui ; ils l'écoutent car ses conseils les aident à évoluer dans leur handicap", abonde son entraîneur, Michel Rezig. Car Adrien Chalmin a depuis longtemps fait le deuil de son ancienne vie…
Le deuil de son ancienne vie
"Les toutes premières années, je me suis longtemps posé la question du niveau que j'aurais pu atteindre. Mais le sport, c'est aussi d'autres paramètres: les blessures, les plans du coach. Cela fait douze ans maintenant ; je suis passé à autre chose. J'ai fait les JO (paralympiques à Londres et Rio), c'était vraiment extraordinaire !", s'enthousiasme-t-il. A la tête de l'association Handi'school, qui emploie 4 salariés, il intervient également dans les écoles, les prisons et les entreprises et tient des conférences un peu partout en France. "Pour casser la vision misérabiliste du handicap et véhiculer des valeurs positives", dit-il encore, visiblement épanoui et serein.
Par Karine Albertazzi
© Nicolas Gotz