Chaque année, rentrée scolaire rime avec saveurs particulières. La joie de retrouver les bancs de l'école pour certains élèves, la déception de voir les vacances se terminer pour d'autres. Mais, comme les enfants, les parents ont aussi droit à leur lot d'émotions. C'est le cas pour Corine Bergougnoux. Son fils, Noah, 9 ans, intègre le CE2. Porteur d'autisme, le garçon effectue sa scolarité en milieu ordinaire, dans une école primaire de Jouy-le-Moutier (Val-d'Oise). Un auxiliaire de vie scolaire (AVS) l'accompagne et l'assiste en classe. Au quotidien, ce rôle est dévolu à ses parents mais aussi à Glinka, une chienne d'éveil offerte en juin 2013 par l'association Handi'chiens. Depuis, Glinka a pris l'habitude de suivre Noah comme son ombre… sauf à l'école. Et ce, malgré les nombreuses demandes formulées par sa maman.
Une « case vide » pour la MDPH
Vingt mois auparavant, Corine s'était réunie avec l'équipe pédagogique de l'école afin d'évoquer cette possibilité. Pas de refus, au contraire, la direction semble ouverte à la proposition. Mais elle doit en faire la demande auprès du rectorat. « Nous avons reçu une réponse officielle quatre mois après, soupire Corine. L'inspection a mis son véto car Glinka n'est pas reconnue par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) ; elle considère que les chiens d'éveil pour un enfant autiste sont une "case vide", contrairement aux chiens-guides d'aveugles. » Corine décide alors de saisir le tribunal du contentieux de l'incapacité contre la MDPH – rejeté mais l'appel est en cours – ainsi que le tribunal administratif contre le rectorat. « Quand on vous dit toujours "non", il faut arriver à défoncer des portes », se défend-elle.
L'école hors-la-loi ?
Pourtant, selon l'article 241-22 du code de l'action sociale et des familles (article en lien ci-dessous), le refus d'accès à un lieu ouvert au public opposé à une personne accompagnée d'un chien-guide d'aveugles ou d'assistance est puni d'une amende. Pourquoi, alors, Corine n'a-t-elle pas obtenu gain de cause ? « L'école n'est pas véritablement un lieu ouvert au public, explique Sophie Lasne, directrice de Handi'chiens à Alençon (Orne). Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte et notamment celui concernant l'autisme de Noah. Nous sommes dans un cas où l'enfant est porteur d'un trouble du comportement. » Si plus de 50 enfants handicapés moteur sont accompagnés par un chien d'assistance en milieu scolaire, seulement un ou deux enfants autistes bénéficient d'une telle mise en place. « Ce qui est important, c'est de pouvoir maîtriser son chien et son comportement, insiste Marie-Claude Lebret, fondatrice de l'association. De plus, concernant l'autisme, il n'y a pas deux cas semblables. On ne peut pas faire de généralité. »
Évaluer la fiabilité du couple enfant-chien
De son côté, Corine concède que Noah n'est pas encore entièrement responsable de son chien. « Mais c'est un faux débat. Il faudrait que l'AVS, présent auprès de l'enfant de toute façon, soit référent et partant pour aider. Il n'aurait qu'à apprendre deux-trois ordres, d'autant que la chienne est déjà formée en amont. » Ces pistes, Handi'chiens les a bien en tête. Marie-Claude tient cependant à « discuter autour d'une table avec les différents acteurs et prendre le temps d'expliquer. Nous allons d'ailleurs prochainement rencontrer la secrétaire d'État, Ségolène Neuville, à ce sujet. Actuellement, les autorisations sont données au cas par cas. Sans dire que le chien rentrera systématiquement, on aimerait qu'une démarche unique soit mise en place ». L'objectif serait d'évaluer la fiabilité du couple et que l'association puisse donner sa position – méthode employée lorsque François Bayrou était ministre de l'Éducation (1993-1997).
Une manière de sensibiliser au handicap
Si Corine n'est pas disposée à cesser son combat, c'est qu'elle a conscience des bienfaits que pourrait apporter Glinka à son fils ainsi qu'à d'autres enfants autistes dans le cadre scolaire. « Le chien leur permettrait de servir de repère, de continuité quand ils sortent de leur environnement car ils sont très souvent angoissés. Cela leur apporterait une sécurité et ils auraient moins de troubles du comportement en classe. C'est aussi une manière de resserrer la relation entre l'enfant et le chien, qu'il soit encore plus intégré à son environnement. » Et si accueillir un chien d'éveil en classe était la meilleure manière de sensibiliser les plus jeunes au handicap ? Un avis partagé par Yvette Schmidt, vice-présidente de Handi'chiens : « Je suis intimement convaincue que c'est un formidable enrichissement pour l'école, les enseignants et les élèves. Le chien peut faire changer le regard des autres enfants sur celui qui est autiste et, plus largement, en situation de handicap. »