Aujourd'hui, Philippe, vous avez décidé de vous transformer en cyber chroniqueur avec des innovations futuristes.
Eh bien non, elles ne sont plus si futuristes que cela. Ces innovations qui redonnent l'espoir aux personnes handicapées des membres inférieurs de remarcher existent bel et bien.
On commence par ce genou. À qui est-il destiné ?
Aux patients amputés de la jambe au niveau de la cuisse. Il permet de compenser la perte de ce membre pour ceux qui souhaitent reprendre leurs activités, aussi exceptionnelles soient elles.
Donc vous m'expliquez que ce genou est exceptionnel ?
Tout à fait ! Ce genou est né d'un projet commun entre une société spécialisée dans l'appareillage prothétique, Ottobock, et la DARPA, un fonds de soutien de la défense américaine. L'objectif était de pouvoir permettre aux militaires blessés de retrouver une activité au sein de l'armée.
Comment fonctionne ce Genium X3 ?
C'est un véritable petit bijou de technologie. Doté de nombreux capteurs à la pointe, il détecte les situations précises dans lesquelles l'utilisateur se trouve pour adapter son fonctionnement en fonction. Ainsi l'utilisateur peut marcher, courir, reculer ou même monter des escaliers sans penser à sa prothèse. Elle est entièrement étanche et donc plus besoin de l'enlever pour aller se baigner. C'est un énorme progrès !
C'est fabuleux ! Dites-moi, M. Croizon, ce genou est-il disponible en France ?
Oui, tout à fait. Ce n'est pas un projet, il est bien actuel et commercialisé en France. De nombreux orthoprothésistes sont d'ailleurs déjà habilités à le mettre en place, et une centaine de personnes ont pu être appareillées en France.
Si je comprends bien, les patients peuvent en bénéficier...
Oui mais à condition de trouver les financements. Car je n'ai pas encore annoncé son prix. Entre 120 et 130 000 €. Autant dire qu'à ce tarif il n'est pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Maintenant Philippe, vous allez nous présenter le premier exosquelette commercialisé. Tout d'abord, un exosquelette, c'est quoi ?
Il s'agit d'orthèses motorisées qui permettent aux personnes souffrant de lésion de la moelle épinière de marcher. Nous ne parlons pas de l'homme augmenté avec un objectif militaire qui permet aux soldats de soulever des charges de plusieurs dizaines de kilos ou de performance mais d'une compensation des membres inférieurs inertes type paraplégie. On en entend parler depuis des années mais, cette fois ci, ça y est, un exosquelette est commercialisé en France. Il s'appelle Rewalk. C'est un produit israélien distribué par Harmonie Médical Service. Nous ne sommes plus dans la recherche, c'est un produit fini, révolutionnaire.
Philippe, vu que nous vous avez un peu refroidis avec le prix du genou, quel est celui de cet exosquelette ?
Environ 80 000 €. Comme pour le genou, il n'y a malheureusement pas de prise en charge aujourd'hui. Un dossier a été déposé auprès de la HAS (Haute Autorité de Santé) qui pourrait déclencher une étude sur 2 ans sur les effets de l'exosquelette sur la densité minérale osseuse. La France est une fois de plus en retard ; il lui faut environ 5 à 10 ans pour réagir.
Pourquoi utiliser un exosquelette ?
Pas seulement pour marcher ; il apporte aussi des bénéfices pour la santé. Des études ont été menées à l'étranger (États-Unis, Allemagne), qui attestent de ces bienfaits, entre autres un reconditionnement global du corps via la marche et l'activité physique. Mais aussi l'amélioration des fonctions intestinales et vésicales, du cardio, de la circulation sanguine. Il permet également une réduction des risques d'escarres, moins de prises de médicaments. Et, surtout il apporte un bien être d'un point de vue psychologique et social.
Comment ça fonctionne ?
On va rejoindre Anthony qui est un Rewalker débutant. L'exosquelette P6 est composé de moteurs qui motorisent les hanches et les genoux. C'est un système autoporteur (25-30 kg), l'utilisateur ne ressent pas le poids (ses pieds sont sur des semelles à l'intérieur des chaussures). Il peut être utilisé en intérieur comme en extérieur sur différents types de sols (moquettes, tapis, pavés …). Anthony a un bracelet à son poignet, qui lui permet de donner les ordres, qui sont validés par un mouvement corporel (via le capteur d'inclinaison qui se trouve sur le côté de l'appareil).
Quels sont les ordres possibles ?
Passer de la position assise à la position debout, marcher, monter et descendre les escaliers. Pour se lever : impulsion avec les bras à l'aide des béquilles pour accompagner la machine. Pour la marche : inclinaison vers l'avant. C'est le même schéma de marche que pour une personne valide, à savoir une série de chutes, stoppées par le pas. Sa vitesse maximum est de 2,6 km/h, sécurisante notamment pour traverser la route.
Comment devient-on utilisateur d'un exosquelette ?
Il y a une phase d'apprentissage en centre de rééducation avec un nombre de séances qui varie selon les utilisateurs ; en général, une vingtaine sont nécessaires, les premières moins longues car fatigantes.
Question à Anthony : Quel est votre ressenti, qu'est-ce que l'utilisation de l'exosquelette vous apporte ?
De l'autonomie. Il est important de me retrouver debout, que ce soit pour moi ou pour les membres de ma famille. De pouvoir aussi regarder les gens les yeux dans les yeux.
Quel est votre rêve aujourd'hui ?
De pouvoir m'en acheter un et j'en appelle aujourd'hui à la générosité des gens via une cagnotte sur Internet.