Philippe, c'est bientôt le printemps et vous avez donc décidé de fleurir votre chronique mais de manière plutôt insolite.
Oui, fleurir le macadam. Je vous explique ! Tout le monde a déjà vu les places de stationnement dédiées aux personnes handicapées. Grises ou bleues, on ne peut pas dire qu'elles respirent la fantaisie. Mais, ça, c'était avant Fouzia.
Qui est Fouzia ?
C'est une ancienne éducatrice qui a décidé de faire bouger les choses à son échelle. Elle s'est mise à peindre de jolis motifs géométriques sur les places de stationnement réservées dans son département, le Tarn. Ce sont des « zelliges », ces mosaïques colorées qui ornent habituellement les façades et les fontaines des pays du Maghreb.
Son projet, lancé en décembre 2017, s'appelle donc en toute logique « Zellipark ». Quel est son objectif ?
Mettre fin aux incivilités et rappeler au grand public le respect des places réservées, comme on respecte une œuvre d'art. Cette artiste franco-algérienne, qui utilisait déjà l'art comme outil de travail, y voit « une manière douce de faire passer un message ». Pour réaliser ses œuvres, Fouzia se sert de pochoirs qu'elle crée elle-même et de peinture éphémère.
Mais c'est légal ?
Elle ne le fait évidemment pas sans autorisation et travaille en étroite collaboration avec certaines communes pour choisir les emplacements à décorer et être en règle avec la loi. La législation ne lui interdit pas d'embellir ces emplacements, à condition de ne pas totalement recouvrir le sigle du fauteuil roulant. Elle peut également compter sur le soutien de l'Association des paralysés de France.
Elle fait payer ses prestations ?
200 euros pour un dessin temporaire et 300 euros pour un définitif qui sont de plus en plus réclamés par les communes. Son projet s'inscrit vraiment dans une démarche d'inclusion. Elle s'est également rapprochée d'instituts spécialisés pour leur proposer des séances de street art.
Un peu plus au nord, c'est une habitante de Chalon-sur-Saône qui, elle aussi, a décidé d'égayer le picto handicap.
Elle s'appelle Marie-Caroline Brazey, et sa spécialité ce sont les collages. Atteinte d'une maladie neurologique orpheline, diagnostiquée en 2016, la trentenaire décide de ne pas se laisser abattre et trouve l'inspiration à travers cette épreuve. Elle a eu cette idée en recevant sa carte de stationnement.
Un moment compliqué pour cette jeune femme…
Oui car elle trouvait ce picto très limitant. Le personnage ne semble pas avoir de bras, il reste passif. Alors elle a collé quelques petits accessoires sur le panneau en bas de chez sa kiné. Et puis elle a décidé de continuer sur sa lancée… Elle transforme ce picto en sirène, en joueur de basket ou encore en super-héros.
Quel est son objectif ?
Donner une image positive du handicap via un peu de poésie et de féérie, et faire ainsi évoluer les mentalités. Sa démarche a rencontré un vif succès sur les réseaux sociaux.
Elle n'est pas la seule à tenter de dynamiser ce picto utilisé à travers le monde.
En effet, il a été adopté à l'international en 1968 mais représente les personnes en situation de handicap comme raides et statiques. Et puis, il est vraiment très loin de la réalité puisque les personnes en fauteuil roulant représentent une infime partie des personnes handicapées. Alors, en 2013, des Nord-américains ont décidé de briser ce cliché en lui offrant un peu de mouvement.
Ils repensent le dessin pour en faire « une métaphore de la volonté et de la détermination ».
En inclinant le haut du corps, ils donnent le sentiment que le personnage se déplace vers l'avant. Les bras sont fléchis, montrant qu'il est pleinement maître de ses mouvements et non dépendant de son fauteuil. Ce nouveau picto, qui avait été placardé par des étudiants de manière un peu sauvage sur les panneaux de Boston, a été officiellement mis en place à New-York en 2013 mais séduit d'autres villes à travers le monde. Sur un site, on peut même acheter des autocollants et des pochoirs.
En matière de relooking, vous avez également trouvé une perle…
Cette image a fait le tour des réseaux sociaux en 2015. Ça se passe au Brésil. Un automobiliste qui s'est garé sur une place réservée aux personnes handicapées retrouve sa voiture couverte de post-it bleus et blancs dessinant le logo d'un fauteuil roulant. De nombreux passants sortent alors leur smartphone pour immortaliser cette scène plutôt cocasse puisque le contrevenant s'y prend à plusieurs fois pour venir à bout d'une revanche plutôt « collante ». Visiblement excédé, le conducteur s'est empressé de réduire cette œuvre d'art en miettes.
Depuis, cette initiative a fait des émules.
Il est arrivé la même mésaventure à un automobiliste américain le jour de la Saint Patrick. Sa voiture a donc été recouverte de post-it… verts ! C'est assez sympa comme idée, et l'humour vaut mieux que le vandalisme.
Une autre fantaisie venue de Russie ?
Ca se passe dans un parking de Moscou. Chaque fois qu'une voiture non autorisée s'apprête à prendre une place réservée apparait l'image en hologramme d'une personne paraplégique grandeur nature. Cette campagne a été menée par l'association russe Dislife.
Et cet hologramme parle…
Il délivre le message suivant. « Pouvez-vous me voir vraiment car, pour 30% des conducteurs en Russie, je n'existe pas. Je suis plus qu'un picto ! Je dois faire face à de nombreux challenges chaque jour, le seul pour vous est de respecter mes droits. ».
En France, certains slogans font aussi leur apparition, légalement ou pas…
Très soft comme « Si vous prenez ma place, prenez aussi mon handicap » ou plus arrogant comme « La bêtise n'est pas un handicap, allez vous garer ailleurs ». Un site web au nom sans équivoque, « Garé comme une merde », ou Gcum pour les intimes, propose une série de sticks à poser sur le pare-brise des contrevenants. Une déclinaison de propos pas toujours élégants mais qui ont le mérite d'envoyer un message compréhensible par tous !