Clubhouse : troubles psychiques, leur nouvelle "maison"

Le Clubhouse a pendu sa crémaillère. Un tout nouvel espace, à Paris, qui accueille 150 membres avec des troubles psychiques et leur propose des ateliers qui visent l'insertion professionnelle et restaurent la confiance en soi. Unique en France !

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Au 7 rue de Lunéville, une ruelle pavée du 19ème arrondissement de Paris. Une cuisine, des odeurs de fumet, des rires, des conversations sur la terrasse... Une "maison" pleine de vie. Une maison où l'on accueille, on accompagne, on valorise des personnes qui, d'ordinaire, se heurtent aux préjugés, de manière parfois violente. C'est un "Clubhouse", comme il en existe partout dans le monde et si peu en France. Un seul en réalité, à Paris.

350 clubhouses dans 30 pays

Né à New York en 1948, ce modèle offre un lieu d'activités de jour non médicalisé, créé pour et avec des personnes fragilisées par des troubles psychiques tels que la bipolarité, la schizophrénie et la dépression sévère. Ce sont des "membres" et non des patients ! La philosophie d'un clubhouse s'appuie sur les besoins et souhaits et non sur les faiblesses. Elle est fondée sur la conviction que le potentiel inexploité de chacun peut être développé collectivement dans une ambiance de compréhension, de participation et de partage amical. On dénombre près de 350 clubhouses dans 30 pays (de l'Italie au Népal en passant par l'Ouganda et les Etats-Unis) avec partout des résultats probants en termes de qualité de vie et d'insertion.

Les entreprises au rendez-vous

Pas question d'infantiliser la personne ni de créer de la dépendance ; le club permet de rompre l'isolement, vise, et obtient, l'insertion professionnelle en milieu ordinaire mais également restaure la confiance en soi. Il a également pour objectif de sensibiliser l'opinion publique et les entreprises sur les troubles psychiques et peut compter sur un réseau de partenaires impliqués, souvent de grandes entreprises, qui proposent des offres de stages ou d'emplois à ses membres. Un accès à l'emploi crescendo, en confiance, au rythme de chacun. C'est le job de la "cellule entreprise" qui "mouille sa chemise" pour convaincre les managers, avec le soutien de Philippe Charrier, son président, de la trempe de business man. Des "cellules", il y en a d'autres, qui lèvent des fonds privés (l'association dépend à 80% de la générosité privée et à 20% de fonds publics) ou alertent les médias sur ces troubles méconnus et pourtant si fréquents...

2 millions de Français concernés

Première cause d'arrêt maladie en France avec plus de 15% de la population touchée, classée au 2e rang des causes mondiales de handicap, la maladie mentale -comprenant les troubles psychiques - reste aujourd'hui un sujet tabou, et la lutte contre la stigmatisation est souvent un challenge aussi important que la lutte contre la maladie elle-même. "Ce sont des maux qui brisent parfois le destin des ados, confie Philippe Charrier (interview en lien ci-dessous), également président de l'Unafam (association d'entraide et information pour les familles et amis de malades psychiques). Cela peut arriver à tout le monde, la faute à pas de chance... La double peine, c'est d'être stigmatisé par la société. Alors c'est souvent la rue ou la prison pour ceux qui ne sont pas aidés par leur famille. " On considère qu'un SDF sur deux souffre de troubles psychiques. Deux millions de Français seraient concernés.

Traitement et suivi psychiatrique exigés

Au club, ce sont des hommes à 70 %, âgés en moyenne d'une quarantaine d'années. "Les personnes qui viennent ici ont en effet une certaine maturité sur leur maladie, explique Clémence Battin, chargée d'étude et doctorante en psychologie-clinique. Et ne sont plus dans le déni. Pour certaines, le diagnostic a été posé très tard et ils ont connu une longue errance." En moyenne 8 ans d'incertitude pour les troubles bipolaires qui apparaissent généralement vers 20 ans. Pour être membre, il faut avoir plus de 18 ans, être sous traitement et présenter une lettre de recommandation d'un médecin qui atteste d'un suivi psychiatrique à l'extérieur.

Des activités chaque jour

Une grande salle commune invite à se retrouver, à partager. Les portes sont ouvertes du lundi au vendredi. Deux fois par jour, une réunion collective propose, dans un esprit de cogestion, de répartir les tâches : aller chercher le courrier, aider à la compta, soutenir les nouveaux membres, faire la vaisselle ou la cuisine. Une de meilleures tables de Paris, parait-il ! On se bouscule pour participer aux ateliers, parfois animés par les membres eux-mêmes : recherche d'emploi ou de logement, coaching, bénévolat. L'atelier "Impulse" orchestré par deux comédiens s'appuie sur improvisation pour renforcer la cohésion du groupe, le "Diety cooking" invite à manger équilibré et la séance de Qi gong offre une parenthèse relaxante. Une quinzaine de membres sont présents chaque jour. Avec les "anciens", toutes les semaines, c'est la "pêche aux nouvelles", qui se fait par texto, téléphone ou mail. Chaque membre est invité à donner se rappeler aux bons souvenirs de la communauté. Ici, on est membre "à vie", quitte à ne venir au club que quelques fois lorsque le besoin se fait sentir ou pour partager un peu d'amitié. Pour faire aussi des suggestions que l'on glisse dans la "boite à idées".

Sur listes d'attente

La maison parisienne a ouvert pour la première fois ses portes en 2011, quai de Jemmapes. Victime de son succès, un peu à l'étroit, elle a été transférée dans un nouvel immeuble inauguré officiellement en mars 2015. Champagne et petits fours, des sourires sur toutes les lèvres pour dire bienvenue et longue vie à ce lieu pour le moment unique. Car l'objectif est, bien entendu, d'essaimer le concept dans toute la France. Par manque de dispositifs dans le champ de la maladie mentale, la liste d'attente ne cesse de s'allonger. Le nouveau club parisien a ainsi doublé sa capacité d'accueil et peut désormais recevoir 150 membres sur ses 300 m2. Mais déjà 150 autres se pressent sur le papier, patientant pour certains depuis plus d'un an.

Des résultats probants ?

Une étude est menée pendant trois ans (2013-2016) par la CNSA pour évaluer l'impact de ce dispositif sur les personnes accompagnées, sous différents angles (médical, social, qualité de vie perçue ou insertion professionnelle) et permettre de comparer les résultats avec d'autres pays. "Notre obsession, confie Claire Leroy-Hatala, administratrice, n'est pas de réinventer le fil à couper le beurre ; nous voulons être certains que le Club apporte des choses différentes des ESAT et autres dispositifs." Les résultats se font d'ores-et-déjà sentir : un tiers des membres ont accédé à un stage/emploi/formation entre 2012 et 2014 et la plupart d'entre eux déclarent avoir noué des relations sur lesquelles ils peuvent compter pour accéder à davantage d'autonomie.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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