« Nous nous réjouissons que le ministre ait, après une discussion franche, clarifié ses propos et affirmé que 'l'objectif de demain, c'est l'école inclusive, l'école de tous les enfants' », fait savoir au lendemain du Comité national de suivi de l'école inclusive, un collectif* d'associations du champ du handicap et de l'éducation, réunies sous le credo « Ma place, c'est en classe ». Le 7 décembre 2022, ce comité a rassemblé tous les acteurs concernés (Etat, MDPH, CNSA, départements de France, associations...) autour de trois ministres : Pap Ndiaye (Eduction nationale), Charlotte Caubel (secrétaire d'Etat à l'Enfance) et Geneviève Darrieussecq (Personnes handicapées).
Des propos dans tous les esprits
En préambule, les récents propos de Pap Ndiaye étaient dans tous les esprits. En effet, le 8 novembre 2022, le ministre de l'Education nationale avait déclaré lors d'une audition au Sénat que l'école inclusive est « une démarche extrêmement positive dont nous devons être fiers (...) mais, dans le même temps, il faut aussi reconnaître que tous les enfants ne peuvent pas être en milieu ordinaire » (article en lien ci-dessous). Même si certaines associations, notamment dans le champ du polyhandicap, adhèrent à ce point de vue, la plupart des autres se sont vivement émues.
Un préalable nécessaire
« C'était un préalable nécessaire pour que les discussions en cours devant aboutir à ce qu'il nomme 'l'acte 2 de l'école inclusive' puisse se dérouler sereinement, sur une base solide », explique Emmanuel Guichardaz, responsable projets scolarisation de Trisomie 21 France, même si son collectif consent « qu'il reste cependant du chemin à faire pour rendre ce droit effectif ». « L'école pour toutes et tous n'est pas une option : c'est un droit », a martelé à son tour Geneviève Darrieussecq.
De son côté, Jérémie Boroy, président du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), se veut plus prudent face aux nouveaux propos du ministre : « Notre objectif est que grâce aux différents dispositifs mais aussi en faisant évoluer le système d'école inclusive, le plus grand nombre possible d'élèves en situation de handicap soit accueilli dans nos écoles, avec les accompagnements adaptés à la situation de chacun ». « Il a bien dit 'le plus grand nombre' ? », interroge Jérémie Boroy. Ce dernier réclame donc, en vertu de la loi handicap de 2005, « l'inscription systématique de tous les enfants en situation de handicap dans leur école ordinaire de référence, avec, ensuite, éventuellement, un parcours aménagé en lien avec le médico-social ». Un impératif qui, selon lui, « est loin d'être seulement symbolique ».
Une coopération accrue avec le médico-social
Et sur le fond des discussions ? Rappelons que ce comité de l'école inclusive a été lancé sous l'ère Blanquer-Cluzel. Une première réunion avait déjà eu lieu avec le nouveau gouvernement en juillet 2022. Selon lui, il a « notamment permis de réaffirmer (sa) volonté d'améliorer la situation sociale des accompagnants et accompagnantes d'élèves en situation de handicap et de souligner l'importance du soutien apporté dans les écoles par les équipes médico-sociales pour permettre une inclusion harmonieuse ».
Geneviève Darrieussecq entend « donner tous les moyens aux enseignants d'accueillir (les enfants en situation de handicap) à l'école de la République », ajoutant, « à cet égard, le médico-social au sein de l'école, ce n'est pas un problème mais une solution ». Le communiqué de presse du ministère accorde une large place à cette collaboration. Il mentionne les 150 équipes mobiles d'appui à la scolarisation (EMAS), réparties sur l'ensemble du territoire, qui accompagnent les établissements scolaires dans la scolarisation de tous les élèves en milieu ordinaire. Par ailleurs, de plus en plus, les structures médico-sociales proposent des modalités d'accompagnement et de scolarisation tournées vers les établissements scolaires, afin de fluidifier les parcours et les adapter aux besoins de chaque élève. « Le travail est engagé pour que, rapidement, tous puissent en proposer », assure le communiqué.
Des échanges fructueux ?
Pap Ndiaye a salué dans un tweet des « échanges francs et fructueux » pour ce qu'il qualifie de « défi immense ». Si les pouvoirs publics ont réaffirmé de grands principes, les associations regrettent le manque de propositions concrètes. « Si on ne parle pas d'accessibilité, on ne s'en sort pas », ajoute Jérémie Boroy qui dit « être reparti avec le sentiment de quelque chose d'un peu creux » et « beaucoup de promo ». « Pour ce qui concerne notre propre analyse, à Trisomie 21 France, il reste le sentiment que nous avons perdu un temps précieux alors même que la bataille pour une école inclusive est un combat de tous les jours », ajoute Emmanuel Guichardaz.
Acte 2 de l'école inclusive
Un autre chantier en cours était au menu, « l'acte 2 de l'école inclusive », le nom donné aux travaux préparatoires en vue de la Conférence nationale du handicap (CNH), annoncée au printemps 2023 sous l'autorité d'Emmanuel Macron. Des concertations sont organisées par le ministère de l'Education nationale autour de trois thèmes majeurs : l'évaluation des besoins, d'orientation et de prescription d'accompagnement des élèves en situation de handicap ; les dispositifs d'inclusion scolaire et leur diversité sur le territoire ; et plus largement le rapprochement entre le secteur médico-social et les établissements scolaires. « Mais on ne voit rien vraiment venir et restons sur notre faim », poursuit Jérémie Boroy. Autre point de crispation, la réunion du groupe de travail organisée le 2 décembre n'avait pas prévu d'interprète en langue de signes française pour permettre aux représentants malentendants du CNCPH de participer au débat. Contraints de partir, ils y ont vu un « très mauvais signal » (article en lien ci-dessous). « Le ministre a présenté ses excuses et assuré que cela ne se reproduirait pas », se sont-ils réjouis.
Pour « contribuer à ces débats », le gouvernement dévoile le rapport " La scolarisation des élèves en situation de handicap " ; daté d'avril 2022, il a été rendu public le 7 décembre. Il a pour particularité d'avoir été rédigé à la fois par l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et l'Inspection générale des finances, ce qui laisse à penser à certains que « l'école inclusive est vue sous l'angle budgétaire ». A l'issue de ses 34 pages, douze propositions sont formulées.
* ANPEA, APF France handicap, Gapas, Fédération Générale des PEP, FISAF, FNASEPH, Fédération PEEP, Trisomie 21 France, UNANIMES
© Twitter Pap Ndiaye