11 millions, c'est le nombre d'aidants en France*. Près d'un Français sur cinq apporte de l'aide, occasionnellement ou au quotidien, à un proche handicapé ou en perte d'autonomie. 58 % d'entre eux cumulent leur rôle d'aidant avec une activité professionnelle. Inexpérimentés, fatigués, parfois privés de vie sociale, ils manifestent à qui veut l'entendre leur besoin d'être accompagnés, à leur tour, et surtout d'avoir un peu de temps pour eux. Face à ce constat alarmant, le Sénat a examiné en première lecture, le 25 octobre 2018, la proposition de loi visant à « favoriser la reconnaissance » de ses aidants (lien ci-dessous). Résultat : 323 voix pour et 0 contre. Une loi qui fait l'unanimité auprès des sénateurs, à l'exception du groupe Lrem qui s'est abstenu.
Une amélioration du texte de 2015
Un congé de proche aidant, non rémunéré et non indemnisé, a été institué en décembre 2015. Le nouveau texte entend assouplir ces conditions et instaurer une indemnité de proche aidant, sur le modèle de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP). « Il ne s'agit pas d'une professionnalisation de l'aidant mais bien d'une compensation de la perte de salaire qu'il subit », dissocie Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne (Union centriste), à l'origine du texte. L'indemnité serait financée par un prélèvement sur les primes de contrats de retraite de type Perp ou Perco.
Le texte d'origine
Quelques mois plus tôt, Jocelyne Guidez et ses collègues constatent « que les proches aidants pallient parfois l'absence de professionnels de santé, de place dans les différentes institutions, (...) voire l'absence d'institutions compétentes pour accueillir les personnes devant faire l'objet d'un accompagnement spécifique ». Ils prennent conscience qu'il faut « agir en leur faveur » et déposent une proposition de loi le 12 juin 2018. Elle convient, entre autres, d'inviter les partenaires sociaux à négocier pour concilier la vie de l'aidant avec les contraintes de l'entreprise (article 1er), d'indemniser le congé de proche aidant (article 2), d'expérimenter un dispositif de relayage (suppléance du proche aidant par des salariés d'établissements et services sociaux ou médico-sociaux) (article 5), de délivrer une carte de l'aidant permettant de les identifier notamment auprès des professionnels de santé (article 6) mais aussi de mettre en place un guide et une plateforme web d'information et d'orientation (article 6).
Quelques modifications plus tard...
Lors de la séance du 25 octobre, le Sénat modifie le texte notamment pour insérer la possibilité de rendre prioritaires au compte personnel de formation (CPF) les salariés qui se seraient absentés au titre des congés sociaux non rémunérés (article 1er), approfondir la cohérence du dispositif et son rapprochement avec l'allocation journalière de présence parentale en retirant l'employeur du circuit de son versement (article 2), rétablir la possibilité pour le proche aidant de cumuler l'indemnité perçue au titre du congé de proche aidant avec la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de la rémunération versée au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de la personne aidée (article 2). Cette possibilité avait été supprimée en commission. Les sénateurs souhaitent également que les salariés en risque de désinsertion professionnelle pour cause de maladie, d'accident ou de diagnostic de handicap bénéficient d'une reconversion ou d'une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation spécifiques (article 2). Il faut aussi permettre à la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées d'utiliser une partie des ressources qu'elle reçoit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour financer des actions en faveur des proches aidants (article 5), offrir une réciprocité dans le mécanisme introduit par la proposition de loi sur la possibilité d'intégrer le nom de l'aidant sur la carte Vitale de la personne aidée (article 6).
Direction l'Assemblée nationale
Cette deuxième étape franchie, la proposition de loi devra ensuite convaincre les députés. Elle sera présentée à l'Assemblée nationale en décembre 2018. Jocelyne Guidez estime qu'elle a peu de chance d'aboutir en l'état. Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités, a refusé de la soutenir, renvoyant à un futur projet de loi qui doit être « déposé au Parlement d'ici la fin 2019 ». Le texte « porte des pistes de travail intéressantes », mais risquerait d'être « en décalage », avec la concertation menée actuellement par le gouvernement, a-t-elle déclaré. Un nouvel affront, puisque les députés avaient déjà repoussé, en mars dernier, une proposition de loi sur la reconnaissance sociale des proches aidants.
* Selon le baromètre de la Fondation April