Par Emmanuel Barranguet
Une pure reprise de volée en équilibre sur une béquille, l'autre canne à l'équerre, c'est le geste technique préféré des joueurs football pour amputés, dont l'équipe France a été rencontrée par l'AFP en pleine préparation de leur Coupe du monde. "Tous sur un pied d'égalité". Le slogan de l'équipe de France de football pour amputés (EFFA) ne manque pas de sel. "L'humour, c'est très important, on en rigole beaucoup entre nous", sourit Jérôme Raffetto, 38 ans, milieu de terrain de l'EFFA. "On se chambre comme dans toutes les équipes, sur nos handicaps, la forme de nos moignons... On rejoint les vestiaires des valides, si l'un tombe sur le terrain avec les béquilles on rigole pareil, c'est la même ambiance", raconte-t-il. Il a rejoint l'EFFA sur un simple mail, après avoir découvert son site internet.
On se raconte nos histoires
Elle a été créée en dans le sud-est de la France comme une association, rejointe au fil des ans par des hommes qui ont "tous la même histoire à l'arrivée, parce qu'il nous manque une jambe, mais pas la même histoire" personnelle, explique Raffetto, barbe noire et accent marseillais. Sa vie à lui a basculé le 21 octobre 2005, fauché par un chauffard alors qu'il sortait son sac de sport du coffre de sa voiture. Sa jambe gauche a été amputée sur le coup par l'accident. "Heureusement, j'ai gardé mon bon pied", sourit-il. "Je ne suis pas tombé dans les pommes, j'ai vu tout ce qui s'est passé. C'était la fin de ma carrière de football valide", se souvient Raffetto, ancien joueur de deuxième division, avec deux matches au compteur à Cannes.
Surtout du plaisir
L'EFFA ne lui a pas "sauvé la vie, non, j'ai eu cette force de caractère pour me relever assez rapidement. Je me la suis sauvé tout seul, avec ma famille, ma femme, mes enfants, mes parents, mes amis, ils ont toujours été là". En revanche, rejoindre les Bleus amputés "m'a beaucoup aidé dans mon bien-être, je m'étais empâté, je ne faisais plus grand chose et quand je ne fais pas du sport je ne suis pas bien". Raffetto a perdu 14 kg depuis un an qu'il a revêtu le maillot bleu. Dans ce groupe, il aussi trouvé une complicité. Il y a des choses "que les valides ne peuvent pas comprendre, on peut en parler un peu plus facilement, on se raconte chacun nos histoires". Surtout, le joueur prend "du plaisir, on arrive à faire des choses intéressantes avec le ballon, il y a des vrais buts".
Plus goût à la vie
Son partenaire Michaël Mayali, lui, a bel et bien connu une renaissance personnelle grâce au foot amputé. Après son accident, ce militaire, 30 ans, le pied écrasé par un Rafale sur un porte-avion en janvier 2009, se sentait "tombé dans un trou". Français d'origine capverdienne et libanaise, Mayali a grandi à Dakar et même tenté le centre de formation de Sochaux, avant de rejoindre la Marine. "Je n'étais pas beau à voir pendant quatre ans, je n'avais plus goût à la vie tout simplement", raconte le défenseur de l'EFFA, le regard un peu triste sous ses mèches. La découverte du handisport, le 100 et 200 m en prothèse puis le foot pour amputés "a été une libération. C'est comme si vous étiez plein de boue, tout noir, pendant des mois et des années, et que d'un coup on vous donnait de l'eau et du savon pour vous laver".
23 octobre au 5 novembre au Mexique
Il rêve aussi des Jeux paralympiques de Tokyo (2020) mais se consacre pour l'heure au foot jusqu'à la Coupe du monde, du 23 octobre au 5 novembre au Mexique, à San Juan de Los Lagos (Jalisco). Faute de club et de championnat structuré, "on s'entraîne chacun de son côté aux quatre coins de la France" avant de se retrouver en stage tous les mois et demi, explique Raffetto. Ils peaufinent notamment la fameuse reprise de volée. "Ce geste vient instinctivement, décrypte Mayali, il ne faut pas avoir peur de tomber, la béquille d'appui ne bougera pas si elle est bien positionnée. Quand je fais ce geste, j'ai la même sensation qu'une reprise de volée sur deux pieds". Il rêve de le réussir à la Coupe du monde.
© Effa