Ils nagent vers Tokyo 2020, des champions prometteurs à qui Philippe Croizon, le nageur quadri-amputé, a choisi de donner un petit coup de « pouce ». Le 10 octobre 2018, il était à Vichy (Allier) en compagnie de ses poulains (dauphins ?) pour inaugurer l'académie qui porte son nom. Elle a pour slogan : « Le sport autrement ». C'est la première académie handisport privée à but non lucratif en France.
Déménagement non approuvé
Le Pôle France jeunes handisport de natation, premier du genre, était implanté au CREPS de Vichy depuis 2011. Mais, pour des raisons stratégiques, en septembre 2018, la Fédération française handisport décide de délocaliser la structure à Bordeaux… « Sans apporter suffisamment de garanties sur la continuité de la qualité globale de service offerte à Vichy », regrette Philippe Croizon. L'idée lui vient alors de créer une structure qui se substituerait ainsi au Pôle France, tout en en conservant un fonctionnement identique en termes d'exigence de haut niveau ; il peut alors compter sur le soutien de Fabien Maltrait, entraîneur de l'Equipe de France de natation.
Une évidence !
Privé de financement d'Etat, le site de Vichy s'est donc dirigé vers des fonds privés et des dons, cette structure entièrement indépendante étant gérée par le CDH 03 (Comité handisport de l'Allier). Soutenir ce projet autour de jeunes nageurs était une « évidence » pour Philippe Croizon qui affirme avoir pu se reconstruire grâce à la natation. Il considère le sport comme « l'outil de résilience absolu » et ressent le besoin de « transmettre », de prouver que « tout est possible ». « Et si cela permet aux jeunes de décrocher des titres, je serai comblé ! », ajoute-t-il. Des titres mais pas seulement puisque cette académie leur permet de mener leurs études de front.
Théo, le coup de cœur
Parmi les jeunes soutenus, Théo Curin (interview en lien ci-dessous), lui aussi quadri-amputé ; celui que Philippe a surnommé son « mini moi » fut le plus jeune sélectionné de l'équipe de France paralympique aux Jeux de Rio en 2016, à seulement 17 ans. Cette étoile montante de la natation française n'a aujourd'hui plus rien d'un « mini » et convoite les plus prestigieux podiums. Sa vie était à Vichy, il redoutait de quitter ce lieu et a lancé un SOS à son mentor. « Cela fait 5 ans que je m'entraîne dans ce CREPS. À deux ans de Tokyo, cette académie me permet de coupler mes études et le sport de haut niveau dans des conditions optimales », se félicite Théo.
Des jeunes déjà médaillés
Dans l'équipe, parmi les six jeunes soutenus, il y a aussi Émeline Pierre, handicapée à l'âge de 13 ans suite à un accident en gymnastique, qui remporte sa première médaille internationale (bronze) au 100 m dos lors des championnats du monde de Mexico en décembre 2017. Ou encore Mael Cornic, qui après avoir été opéré d'une tumeur de la moelle épinière à l'âge de 6 ans, prend une belle revanche dans les bassins. Chaque jour, ils suivent un entraînement intensif pour réaliser leur rêve : participer aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2020 et préparer la relève pour ceux de Paris 2024.
Une petite graine
Dès 2019, l'académie devrait s'ouvrir à d'autres sports comme le para-cyclisme et, à moyen terme, à l'aviron, au triathlon et au tennis de table. En partenariat avec l'école de langues de Vichy, elle prévoit également d'accueillir un handi-nageur étranger de haut-niveau qui souhaiterait parfaire son français, offrant à ce projet une envergure internationale. « De même, fort de l'expertise acquise, un volet formation d'entraîneurs handis pourrait voir le jour autour de notre Académie », précise Robert Fassolette, président du CDH 03. « Une petite graine qui va grandir », assure Philippe Croizon. Alors que l'Etat réduit, dans le même temps, les budgets consacrés au sport, il se dit « fier de pouvoir emmener ces gamins dans leur parcours de vie via une initiative privée ».