Votre défi du jour, Philippe, va être de courir un marathon en 8 minutes. Parce qu'aujourd'hui, nous allons parler de pratique sportive adaptée aux personnes handicapées. C'est votre rayon et vous pourriez tenir pendant des heures. Alors top départ !
Evidemment, le sport c'est ce qui m'a permis de survivre. Avant mon accident, j'étais un sportif canapé, sélectionneur et entraîneur de toutes les équipes sportives du monde devant ma télé. Et puis mon accident, mes amputations successives, des heures d'inertie dans ma chambre d'hôpital... Et, un jour, je vois une jeune fille qui traverse la Manche à la nage. C'est le déclic. Je me dis : « Un jour, moi aussi, je traverserai la Manche à la nage ! ». Ce défi sportif m'a probablement sauvé la vie... Alors j'ai la conviction profonde que le sport peut aider d'autres personnes handicapées et améliorer considérablement leurs conditions de vie.
Cette chronique n'a pas été choisie par hasard puisque du 7 au 16 mars auront lieu, à Sochi, en Russie, les Jeux paralympiques d'hiver. Mais ce n'est pas des sportifs de haut niveau que vous souhaitez nous parler mais de la pratique pour tous.
Oui parce que le sport, dans le parcours de vie d'une personne handicapée, c'est vraiment le parent pauvre. On soigne, on répare, on entretient les corps mais on ignore encore trop souvent que le sport peut être un formidable moteur de résilience et de dépassement de soi. 25% des jeunes en situation de handicap déclarent n'avoir pas pris part régulièrement (au moins 10 fois), à une activité sportive, que ce soit à l'école ou en dehors, pendant la dernière année écoulée, contre seulement 6% de la population générale.
Le plus souvent, les élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire sont dispensés de cours de gym, faute d'encadrement et d'infrastructures adaptées.
Oui. Et pour les activités extra-scolaires, ce n'est pas mieux. En France, lorsque les familles essaient de sociabiliser leurs enfants autrement, dans les clubs de sports en milieu ordinaire, les portes s'ouvrent très difficilement. Même en Chine, où l'on ne peut pas dire que l'humain soit une priorité, 25% des personnes handicapées ont une licence sportive. En France, seulement 1% ! Evidemment, ça bouge, mais tellement lentement... Un accord vient, par exemple, d'être conclu avec la fédération française d'athlétisme dans lequel elle s'engage à ne pas refuser d'enfants autistes dans ses clubs.
Pourtant, toutes les associations de personnes handicapées s'entendent à dire que le sport est une composante essentielle pour le bien-être à la fois physique et mental.
Oui, c'est vraiment un dénominateur commun. La fondation ARSEP, par exemple, qui finance la recherche sur la sclérose en plaques, a lancé une grande campagne « Solidaires en peloton » qui affirme que, pour les personnes atteintes par cette maladie particulièrement invalidante, le sport, c'est excellent !
En décembre 2013, le Défenseur des droits s'empare du sujet et lance un appel à réclamations auprès des personnes victimes de discriminations dans le sport.
Oui, cela arrive encore trop souvent. Mais le tableau n'est pas complètement noir et certaines collectivités se mobilisent. On vient par exemple d'éditer un recueil national pour l'accessibilité des équipements sportifs ou une fiche des bonnes pratiques sur celle des piscines. Une conférence européenne « Sport et handicap » est en préparation. C'est vraiment un thème sur lequel on commence à se mobiliser. C'est apparemment l'un des axes prioritaires de l'Union européenne.
En France, il existe deux grosses fédérations sportives spécialement dédiées aux personnes handicapées.
Oui, il y a d'abord la Fédération française handisport (FFH) qui s'occupe des personnes ayant un handicap moteur. Et puis la Fédération française du sport adapté (FFSA) pour les personnes avec un handicap mental. Mais il faut savoir que de plus en plus de fédérations dites « valides » proposent des pratiques et un enseignement adaptés. Le ministère chargé des sports a même créé un outil innovant en septembre 2003 : le PRNSH (Pôle ressources national sport et handicap). Son objectif est d'aider au développement et à la pratique du sport en direction des personnes handicapées. Depuis mai 2007, il existe un site internet dédié : www.handiguide.gouv.fr. C'est une évolution précieuse qui, il faut l'espérer, permettra bientôt aux personnes handicapées de pratiquer sans restriction en milieu ordinaire.
Et pour les personnes handicapées mentales, il existe une organisation internationale, Spécial Olympics, dont la marraine n'est autre que la mannequin russe Natalia Vodianova.
Oui, Special Olympics est implanté en France depuis plus de 20 ans et permet chaque année à 15 000 personnes handicapées mentales de vivre des moments forts dans le sport et les loisirs. De l'athlétisme au judo, de la natation aux parcours moteurs, tout le monde peut participer, sans obligation de résultat. En janvier, Natalia s'est rendue dans un centre de la région parisienne pour assurer le lancement du nouveau programme « Jeunes athlètes ». Il permet aux enfants de 2 à 8 ans de découvrir et de développer de nouvelles aptitudes physiques à travers différentes activités autour du sport.
Et, heureusement, il existe de plus en plus de pratiques accessibles...
Oui la liste est vraiment très longue. Je crois qu'aujourd'hui on peut à peu près tout faire : sauter en parachute, faire de la plongée, monter à cheval, faire de l'escalade, descendre tout schuss en ski. On a même vu un ado américain sur un skate-park faire des loopings en fauteuil roulant. La numéro 1 française en tennis, Marion Bartoli, est la marraine de la première académie de tennis fauteuil qui vient d'ouvrir en Picardie. Son but étant de promouvoir la pratique pour tous.
Du 14 au 18 mai, aura lieu en Seine-Saint-Denis, la 5ème édition de l'Intégrathlon. De quoi s'agit-il ?
C'est une très belle manifestation sportive favorisant l'intégration des jeunes handicapés sur les terrains de sport. Elle propose une cinquantaine d'activités sportives, pour tous les niveaux et en libre accès, dans cinq communes du département. Durant 4 jours, 14 000 pratiquants et scolaires valides et handicapés sont attendus pour partager de grandes émotions.
A son tour, le cinéma s'empare du sujet avec la sortie le 26 mars du film de Niels Tavernier, « De toutes nos forces », avec Jacques Gamblin et Alexandra Lamy.
Oui, c'est l'histoire d'un papa très sportif qui a du mal à affronter l'invalidité de son fils. Il va un jour accepter le défi que lui lance ce dernier : courir avec lui le triathlon « Iron man » de Nice, l'une des épreuves les plus difficiles au monde.
Et puis vous vouliez également nous parler de votre protégé, Théo...
Je l'appelle mon "Mini-moi". Il a été amputé des quatre membres à l'âge de six ans. Aujourd'hui, à 13 ans, il a décidé, depuis la rentrée scolaire de septembre, de s'entraîner au sein du pôle France de natation à Vichy. Il a fallu rassurer ses parents. Mais même s'il semble normal et naturel de surprotéger son enfant lorsqu'il a subi un tel traumatisme, j'incite tous les parents d'enfants en situation de handicap à les conduire vers le sport. Je vous promets qu'il leur permettra d'accepter plus rapidement leur handicap, leur nouveau schéma corporel et de prendre pleinement conscience de toutes leurs capacités. Théo est un gamin fabuleux qui s'entraîne comme un fou pour devenir champion paralympique à Rio en 2016.
Top chrono ! Bon Philippe, vous avez réussi votre pari. A tous ceux qui veulent prolonger cette formidable aventure, nous signalons la sortie dans trois jours du livre « Plus fort la vie », aux éditions Artaud que vous avez co-écrit avec Emmanuelle Dal'Secco, journaliste pour le site handicap.fr. Il relate comment vous avez relié des Cinq continents à la nage lors de l'été 2012 avec votre binôme Arnaud Chassery.
En effet, et pour vous dire à quel point le sport est bénéfique pour tous, un journaliste me confiait l'autre jour que ce récit avait une telle énergie vitale qu'il devrait être remboursé par la sécurité sociale !
Enfin, soyons nombreux à regarder les Jeux paralympiques en Russie (60 heures de direct sur France Télévisions). Et n'hésitez pas à vous rendre sur les manifestations de sport adapté et de handisport, en priorité avec vos enfants. C'est eux qui feront bouger les choses...