Cumuler AAH et salaire : oui, c'est possible!

Il est tout à fait possible de conserver une partie de son AAH en la cumulant avec son salaire, grâce à un système d'abattement plutôt avantageux. Objectif ? Favoriser la reprise d'une activité professionnelle. Les calculs en détail...

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Oui, il est tout à fait possible de cumuler l'AAH (Allocation adulte handicapé) avec un salaire (selon son montant), à des conditions plutôt favorables. Or certains ne le savent pas. Tout d'abord, il est utile de préciser qu'afin d'inciter les personnes handicapées en mesure de travailler à la reprise d'activité, leurs revenus professionnels ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'AAH, et ce quel que soit leur montant, durant les six premiers mois. Durant cette période, celles qui sont éligibles percevront donc l'intégralité de leur AAH, soit 1 016,05 euros à taux plein depuis le 1er avril 2024, en plus de leur salaire.

Et après ?

Au bout de six mois ? Puisque les ressources du bénéficiaire ont augmenté, son AAH va diminuer, son montant dépendant des revenus perçus au cours des trois mois précédents ; on parle alors d'AAH différentielle. Mais, afin d'éviter que l'arrivée d'un salaire ne vienne automatiquement diminuer le montant de l'AAH du même niveau, on applique des abattements spécifiques sur le revenu professionnel net imposable (attention, cet abattement ne porte pas sur les autres ressources éventuelles prises en compte dans le calcul de l'AAH comme les revenus fonciers).

Prenons l'exemple de Marie, célibataire, sans enfant et en situation de handicap, qui travaille en milieu ordinaire (attention, les règles sont différentes pour les travailleurs d'Esat). Touchant 616 euros de salaire net imposable (montant figurant sur sa fiche de paye) par mois, elle pourra bénéficier d'une AAH de 720 euros. Le cumul lui permet donc de disposer de 1 330 euros net par mois.

Quel mode de calcul ?

Comment est-on arrivé à ce montant ? Attention, ces calculs ont été faits à partir de données collectées en 2021 ; certains montants ont un peu augmenté mais cela permet de donner un ordre d'idée. Les modalités, disons-le, sont plutôt complexes, d'autant que, pour corser les choses, elles mélangent le brut du Smic pris comme valeur de référence pour l'abattement et le net imposable du salaire… Bref, c'est corsé.
• 80 % d'abattement sur la tranche de revenus inférieurs ou égaux à 30 % du Smic brut en vigueur (le Smic est de 1 554,58 euros brut en 2021), soit 466,38 euros, ce qui veut dire concrètement que seuls 20 % des revenus sont pris en compte jusqu'à 466 euros de salaire.
• 40 % d'abattement pour la tranche de revenus supérieurs à 30 % du Smic brut en vigueur ; donc, seuls 60 % des revenus au-dessus de la tranche de 466 euros (montant 2021) sont pris en compte.

Si les revenus annuels sont inférieurs à 30 % du smic brut, seul l'abattement de 80 % est appliqué.

Dans le cas de Marie, sur ses 616 euros net imposables par mois, on ne prend en compte que 20 % des 466 premiers euros, soit 93, puis 60 % des revenus compris entre 466 et 616 euros, soit 90 euros. Au total, avec 616 euros de revenus, c'est donc 183 euros seulement (93+90) qui sont intégrés dans le calcul de l'AAH. Le montant de son allocation différentielle s'élève donc à 903-183 = 720 euros !

Salaire max, AAH à 0 ?

A partir de quel salaire, le montant de l'AAH sera-t-il réduit à zéro ? Encore une fois, il existe une formule, pas vraiment plus simple…

(AAH taux plein + 0,4 x 0,3 x montant du Smic) / 0,6 = salaire maximum

Si l'on prend les montants de 2021, cela donne :
(903,6 + 0,12 x 1 554,58) / 0,6 = 1 817 euros

A partir de 1 817 euros de salaire mensuel net imposable, la personne ne percevra donc plus d'AAH différentielle.

Différents sons de cloche

Attention car, sur le web, circulent des informations contradictoires, mal interprétées ou non mises à jour qui peuvent transformer ce calcul en véritable parcours du combattant. Pour en avoir le cœur net et miser sur une estimation individualisée qui prend en compte tous les paramètres, y compris les ressources annexes provenant par exemple de revenus fonciers, il convient de se rapprocher de la caisse chargée du paiement (Caf ou MSA). Et ce n'est même pas une garantie car, selon les caisses, cela peut varier ! Kevin Polisano qui a fait de l'AAH sa spécialité, auteur du blog « l'AAH pour les Nuls » (en lien ci-dessous), confirme la complexité de la situation : « Lorsque j'ai commencé à m'intéresser au fonctionnement de l'AAH en 2013, j'ai été sans arrêt soumis à différents sons de cloches selon mes interlocuteurs de la CAF... » Il dit avoir été alerté par de nombreux allocataires pour lesquels leur caisse n'applique pas correctement le calcul.

Un simulateur en ligne

Autre solution pour éviter tout « lézard » ? Un simulateur est disponible en ligne (cf. lien Faire une simulation AAH sur mesdroitssociaux.gouv ) qui permet de calculer l'ensemble des aides auxquelles un bénéficiaire peut prétendre (prime d'activité, aides au logement, complémentaire santé solidaire…). En rentrant les données de l'exemple de Marie, il affiche un montant d'AAH de 730 euros par mois (soit 10 euros de différence par rapport à notre calcul), en précisant qu'elle serait également éligible à la prime d'activité de 320 euros par mois. Pour conclure, selon Kevin, c'est « un mode de calcul incitatif au travail et dont le cumul salaire + AAH différentielle est bien entendu toujours supérieur à l'AAH taux plein, ce qui est toujours avantageux ». Souvent, les allocataires craignent d'aller travailler à perte du fait de la diminution de l'AAH versé, « il faut donc les rassurer sur ce point », conclut-il.

Et la MVA ?

Dernier point, attention pour ceux qui perçoivent la majoration pour la vie autonome (MVA) ! Car, en cas de salaire, ils la perdent. En effet, la condition d'attribution de cette aide impose de percevoir l'AAH à taux plein, ce qui n'est plus le cas dès le premier euro perçu. Lorsque la rémunération mensuelle est en-deçà du montant de la MVA (ou si, en déclaration annuelle, on perçoit un petit pécule qui peut faire perdre gros), il n'est donc plus vraiment intéressant d'accepter une rémunération annexe. « Pour une mission intérim de 3 heures (prévue à l'origine sur 3 jours et stoppée à cause de mon handicap), j'ai été payé 26 euros (couvrant tout juste mes coûts d'essence et de péage) mais, au final, j'ai perdu mes 104 euros de MVA », témoigne un lecteur.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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